1877 |
15 avril 1877
Victor Sardou à Alfred de Falloux
Paris, 15 avril 1877,
Monsieur le Comte,
L'espoir que vous viendriez à Paris prochainement m'a fait jusqu'à ce jour tarder à vous écrire ce que j'aurais été fort honoré de vous dire de vive voix : et il faut que M. Doucet1 m'enlève absolument cet espoir qu'il m'avait donné lui-même pour que je me résigne à vous faire part de mon ambitieux désir sous la forme la moins propre à la justifier, puisqu'elle ne me laisse pas le droit de plaider ma cause aussi complètement que je le souhaiterais. J'ose me porter candidat à l'Académie pour le fauteuil laissé vacant par le si regrettable Monsieur Autran2 : et si j'ai mis jusqu'ici quelques réserves à mes démarches, c'est que je ne voulais pas donner à ma candidature le caractère d'un trop vif empressement. Le deuil de l'Académie est si récent3 que cette présente lettre, Monsieur le Comte, me semblerait encore prématurée, si une candidature plus hâtive que la mienne à se produire ne m'avait imposé l'obligation d'imiter son exemple. Les titres sur lesquels j'ose m'appuyer ont paru assez sérieux à quelques membres de l’Académie, pour qu'ils aient bien voulu encourager mes prétentions, et me promettre leur appui. Je m'estimerais bien heureux et bien fier d'obtenir, c'est-à-dire de mériter aussi le vôtre, et pour cela je sollicite l'honneur de soumettre à votre examen celles de mes pièces qui me sembleront les plus dignes de votre attention. Je ne me dissimule pas que, privées de leurs interprètes, ces œuvres de théâtre perdent une grande partie des avantages qui assuraient leur succès ; mais j'espère néanmoins qu'il restera assez de la pensée qui les a dictées pour vous faire reconnaître dans leur auteur le désir sincère de n'être pas trop indigne de l'illustre compagnie où il brigue l'honneur d'être admis. Enfin, Monsieur le Comte, celui d'avoir attiré sur moi votre attention, fût-il le seul profit que j'eusse à recueillir de cette candidature, que je n'aurais pas encore à regretter mes démarches. Daignez, Monsieur le Comte, agréer, l'hommage de mes sentiments les plus respectueux et les plus dévoués.
Victor Sardou