CECI n'est pas EXECUTE 20 avril 1877

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20 avril 1877

Anatole de Ségur à Alfred de Falloux

20 avril 1877

Cher Monsieur, Je vous demande pardon de répondre sur ce papier officiel à cette aimable lettre qui m'a fort touché. Je suis heureux de votre suffrage, toujours très précieux pour moi mais qui l'est tout particulièrement en ce qui concerne mon travail1 sur le Père Lacordaire, ses sentiments et ses doctrines. J'ai conservé, je conserverai toujours pour ce grand homme une reconnaissance et une admiration passionnées, et je me sens comme personnellement blessé par les attaques, heureusement fort rares, qu'on dirige contre sa mémoire. Comme vous le dites, le silence devient en certains cas une forme de blâme, et Mgr Mermillod2 eût été impardonnable s'il n'avait point prononcé son nom à côté de S[ain]t Bernard et de Bossuet3, quand il a parlé des gloires de Dijon4. Mais je crois pouvoir affirmer qu'il n'en a pas été ainsi ; j'assistais à la séance où Mgr Mermillod a parlé, et j'ai le souvenir très présent de passage de son discours. Si, dans  le compte rendu qui en a été fait, le nom du Père Lacordaire a été omis, c'est le fait du journaliste, ce n'est pas celui de l'évêque. Quant au discours de M. Chesnelong, je ne l'ai pas entendu, et je vous avoue que je ne l'ai pas lu ; je trouve que cette éloquence très réelle a le tort d'être toujours trop semblable à elle-même dans ses moyens et ses effets, et il me semble que les catholiques <mot illisible> un peu de l'art oratoire dans leurs assemblées. Je préfère, pour nos réunions les rapports modestes et pratiques aux discours qui mettent toujours la vanité en jeu, et si je trouve la lettre de ce pauvre M. martel ridicule et sa publication inconvenante et impolitique, je ne puis m'empêcher de trouver que les <collègues> feraient bien de donner aux fidèles le conseil de faire un peu moins de tapage et de ne pas confondre la situation de 1877 avec celle de 1860. Tout ce qui se passe m'attriste profondément, et j'augure déplorablement de l'avenir. J'espère que la santé de Madame de Falloux vous laisse un peu de sécurité et que la vôtre ne se ressent pas trop de ces inquiétudes. Veuillez lui transmettre mes respectueux hommages, et permettez-moi d'y <mot illisible> pour vous-même, cher Monsieur l'expression de mon affectueux dévouement.

Le Mis de Ségur.  

Notes

1Ce travail ne semble pas avoir été publié.
2Mermillod, Gaspard (1824-1892, ordonné prêtre en 1847, il fut nommé curé à Genève (1857), chargé du canton de Genève (1864), puis vicaire apostolique de Genève, détaché de Lausanne (1873), ce qui provoqua une réaction du gouvernement suisse et son exil. Intransigeant, proche des frères Veuillot, il figurait parmi les partisans les plus ardents d'une définition de l'infaillibilité pontificale. Il sera nommé cardinal en 1890.
3Jacques-Bégnine Bossuet (1627-1704), homme d'église et historien.
4Allusion au discours prononcé par Mgr Mermillod, le 13 novembre 1866, lors de la réouverture de l'église Saint-Jean de Dijon qui venait d'être restaurée. Saint Bernard enfant y serait venu prier et Bossuet y fut baptisé.  

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «20 avril 1877», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1877, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 03/05/2012