1882 |
15 avril 1882
Alfred de Falloux à Armand de Mackau
15 avril 1882
Mon cher Armand,
Quelles que soient les préoccupations paternelles1, je suis sûr que tu ne négliges point tes devoirs civiques et c'est uniquement de ceux-là que je viens de parler. Je n'ai point d'inquiétude pour le Bourg d'Iré où le conseil municipal est excellent et les deux écoles communales confiées à des frères et à des sœurs ; mais j'ai de graves et immédiates alarmes pour Segré. Là aussi le conseil municipal et le maire sont bons ; l'école communale des garçons est entre les mains des frères de la doctrine chrétienne, mais en vertu d'une chicane de la plus mauvaise foi, cette école va très probablement être fermée. Nous nous concertons déjà pour ouvrir une école privée ; mais le frère Irlide2 consentira-t-il volontiers à nous donner quelques-uns de ses frères ? On dit qu'il en devient fort avare ; en outre, il a bien des motifs pour être mécontent de l’Évêché d'Angers. Voudra-t-il en faire porter la peine à Segré ? Je ne connais pas du tout le frère Irlide ; ne pourrais-tu pas plus aisément que moi l'interroger et l'intéresser en faveur de l'excellente population de Segré ? Ceci me conduit à une question plus générale, et maintenant, mon très cher ami, c'est à ton comité3 tout entier que je m'adresse : soit par défaut de recrutement, soit par la persécution attachée à leur robe, le nombre des frères va devenir de jour en jour plus insuffisant. Ne vous occupez-vous pas des bons instituteurs laïques ? N'avez-vous pas une liste de ceux qui ont été destitués depuis 2 ans ? Ne les encouragez-vous pas à demeurer dans leur profession et ne serviriez-vous pas volontiers d'intermédiaire entre eux et les communes en détresse. Je crois qu'il y a là un grand sujet d'efforts pour vous et de services à rendre. Je crois même que si vous pouviez organiser quelque chose qui ressemblât à une école normale de bons laïques ou de frères avec le costume en moins et le mariage possible en plus, vous entreriez dans une voie profondément utile. Je te soumets cela très brièvement parce que sans doute vous y avez déjà pensé et que vous en avez mesuré mieux que moi les avantages et les difficultés. En tout cas, je reviens à Segré et si tu peux, mon cher Armand, ou me gagner la bienveillance du frère Irlide ou m'indiquer un bon instituteur laïque, en peine d'emploi, je t'en serai infiniment reconnaissant.
Mille bien tendres et bien fidèles vœux tout autour de toi.
Falloux