CECI n'est pas EXECUTE 17 novembre 1884

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17 novembre 1884

Alfred de Falloux à Couvreux (abbé)

17 novembre 1884

Cher Monsieur l'abbé

Je vous remercie de vos bonnes nouvelles que je voudrais encore meilleures et je ne vous renvoie pas d'Union de l'Ouest parce que je me résigne, sur votre silence, à croire que M. André1 avait raison. Quant à la thèse et à l'hypothèse, c'est une autre affaire et vous ne me ferez   jamais professer une théorie que je trouve absurde et dangereuse, Montalembert avait conscience d'ajouter « et immorale ». « Vous ne toucherez jamais à la femme de votre ami », disait-il. « Voilà la thèse. - Mais si vous y touchez, nous en prendrons bien volontiers notre parti. Voilà l'hypothèse ! «  Pour la thèse qui fait aux gouvernements une loi d'être chrétiens, j'y souscris de tout mon cœur. Quant à l'hypothèse qui, en fait, consent à bien des ménagements et même à bien des occasions  j'y souscris aussi mais ce que je ne puis professer, c'est que les deux choses soient à la fois également une règle. Ce que je professerai encore moins, c'est le langage fort dangereux qui consiste à dire : « Nous cédons sur de certains points, non pas parce que nous sommes les plus raisonnables mais seulement parce que nous sommes les plus faibles, et dés que nous pourrons redevenir les plus forts, nous redeviendrons, en fait, comme nous l'avons toujours été en droit, les plus intolérants, les plus exigeants et au besoin les plus persécuteurs. «  Je crois que rien n'est plus propre que cette théorie à pousser la société aux dernières extrémités de la résistance et à dire : « Puisque vous vous promettez d'être tels quand vous serez les plus forts, nous saurons bien veiller à ce que vous ne le soyez jamais ! » Donc, cher monsieur l'abbé et chère madame2, vous ne me ferez jamais professer cela, ni dans l'intérêt de ma propre conscience ni dans l'intérêt de votre avenir. Je vous envoie, par le même courrier, un autre Univers qui houspille gentiment Mgr d'Hulst3. Déjà hier j'avais été chez M. André le père, pour lui dire : En voilà assez. Laissons maintenant le Monde et Mgr d'Hulst4 tranquille. Aujourd'hui que l'Univers s'en mêle, je vais le faire répéter à M. le père par M. le fils. Je suppose que Mgr d'Hulst est aujourd'hui bien convaincu qu'il n'a pas pris le meilleur moyen, ni publié la meilleure brochure pour mettre tout le monde d'accord. Cela suffit pour le moment. En outre on m'écrit de Paris, ce matin, que le nonce5 vient de recevoir de Léon XIII une lettre enjoignant au Monde et à Mgr d'Hulst de se taire. Ce serait un triomphe pour l'Union de l'Ouest qui ne veut pas le gâter, soit en le méconnaissant, soit en en abusant.

A. de F.  

    

Notes

1André, Jules (?-?), rédacteur à L'Union de l'Ouest.
2Madame de Castellane.
3Hulst Maurice Le Sage d'Hauteroche d' (1841-1896), ordonné prêtre en 1865, il fut nommé vicaire à Saint-Ambroise. Secrétaire de l'archevêché de Paris en 1872, il était depuis 1875 vicaire général du diocèse. De sympathie orléaniste, il suivit la politique de ralliement de Léon XIII. Le 6 mars 1892, il fut élu à l'occasion de l'élection partielle du Finistère provoquée par le décès de Mgr Freppel. Réélu quelques mois plus tard lors des élections générales, il siégea à droite.
4L'abbé d'Hulst, recteur de l'Université catholique de Paris avait été appelé à Rome pour donner son avis sur un programme électoral soumis au Saint-siège par le cardinal Lavigerie, en vue des élections législatives de 1885 et pour dissuader Léon XIII de publier une encyclique qui condamnerait les exagérations des deux fractions du catholicisme français.
5Mgr di Rende.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 novembre 1884», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1884,mis à jour le : 12/11/2013