Année 1859 |
19 mars 1859
Alfred de Falloux à Charles de Montalembert
19 mars 1859
Mon cher ami,
J'ai reçu hier un courrier dont je me hâte de vous envoyer un extrait d'abord une lettre du cardinal de Bonald1, datée de Rome et commençant par ces mots : « Je viens de lire avec beaucoup d'intérêt une lettre que vous écrivez à un de nos amis sur la position du clergé dans les circonstances actuelles. Vous nous donnez dans un style élevé d'excellents conseils dont le Pape lui-même pourrait faire son profit. Le reste de la lettre assez confuse fait bon marché de cinq ou six évêques, ses collègues, et de qu'un certain nombre de prêtres, mais réclame vivement pour que l'ensemble du clergé de France ne soient pas confondus et <mot illisible> et avec eux. Le même courrier m'apportait aussi une lettre de l'évêque d'Arras2 et je ne puis faire autrement que de vous copier textuellement la première page.
« J'ai lu avec une attention très sérieuse la lettre éloquente sur l'évêque de Rennes3 et le voyage de Bretagne dont vous avez bien voulu me donner communication et je vais me permettre de vous dire avec simplicité le jugement que j'en porte. Les principes que vous posez dans un si bon style sont généralement incontestables, non seulement, comme disent les théologiens in abstracto, mais même in concreto. Aussi, c'est une vérité certaine qu'en général le prêtre s'expose à compromettre la religion en l'identifiant ou même l'association trop étroitement avec les intérêts de la politique, et cela est vrai aussi particulièrement si l'on en fait l'application au gouvernement de la France. Il en est de même de la liberté de l’Église que rien au monde ne doit nous faire sacrifier et aussi les flatteries d'un pouvoir qui est une bassesse toujours et qui peut quelquefois devenir une trahison ». La suite assez longue de cette lettre tend à prouver que l'évêque d'Arras et L'Univers ne sont pour rien dans les fautes qui ont été commises.
Mes correspondants ajoutent que les jugements n'ont rien de confidentiel. Vous pouvez user de la permission, mais veuillez surtout, mon cher ami, les envoyer de suite à Montalembert pour égayer sa solitude.
Vous avez dû recevoir une lettre de moi hier.
Mille tendresses.
Alfred