CECI n'est pas EXECUTE 12 décembre 1858

Année 1858 |

12 décembre 1858

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Sorèze1 (Tarn), 12 décembre 1858

Cher ami,

Ma lettre à un breton n'était destinée qu'à la Bretagne au moment où elle a été écrite à Ussat. Je n'en ai envoyé qu'une copie à Cochin au moment où il était en Anjou parce que, à son retour, il devait avoir une conversation grave avec deux archevêques et que ces quelques pages pouvaient être utiles à son <mot illisible>. J'ignore absolument comment Augustin Galitzin aurait pu en voir connaissance et je  me ferai un grand plaisir de vous les communiquer aussitôt que nous nous retrouverons. Si vous alliez à Paris avant moi nul doute que Cochin ne la mit à votre disposition. La seule réserve que j'ai faite et que je maintiendrai c'est celle qui pourrait faire aboutir la lettre aux journaux anglais ou belges et là-dessus je suis bien sûr de votre parfaite adhésion.

Nous sommes à Sorèze en pleine jouissance du P. Lacordaire, ce pluriel comprend avec moi l'ami qui veut bien me prêter sa plume. Vous dire quand nous sortirons d'ici est encore difficile. L'attrait y est assez puissant pour vaincre les résolutions les plus discrètes, cependant ce n'est pas encore là notre tort. Le P. Lacordaire lit et commente en ce moment la vie de Madame Swetchine et tant que ce travail dont vous concevez tout le prix sera en train, ce n'est pas moi qui songerai à l'abréger. La question d'appel de Montalembert2 me laisse aussi en suspens sur la question du retour par Paris. Je ne sais donc bien positivement qu'une chose, cher ami, c'est que j ne perdrai pas un instant pour vous tenir au courant et vous faire appel dés que je serai fixé moi-même. J'ai été en correspondance très amie avec l'évêque de Carcassonne3 et me promets bien de le voir en sortant d'ici. Les Rességuier vont bien, Paul, Albert et ses filles4 comptent s'embarquer à Marseille le 20 pour prendre part aux fêtes de Noël à Rome. J'ai bien pensé à vous en lisant le nom du duc de Valmy5 ? C'est un bien triste exemple de plus de la vigilance que nous devons exercer sur nous-mêmes et de l'étroite façon dont toutes les déviations se tiennent. Merci mille fois, cher ami, de la bonne chance que vous m'offrez pour Rochecotte. Une fois sur la route du Bourg d'Iré, il me sera bien difficile de m'arrêter à mi-côte, mais si la saison n'était pas trop dure peut-être Marie et Loyde pourraient-elles venir jusque là, en tout cas au revoir prochain, je l'espère, ne manquez pas de me donner toujours des nouvelles de votre mère.

Alfred P. S.

L'ami qui tient la plume et qui est M. de Livonnière6 profite de cette bonne fortune pour se rappeler au souvenir de M. de Bertou et l'assurer de tous ses sentiments.

Notes

1Falloux séjourne alors à Sorèze où il est venu rendre visite au P. Lacordaire.
2Voir lettre de Falloux à son épouse, Marie, du 3 novembre 1858.
3Évêque de Carcassonne depuis 1855, Mgr de La Bouillerie s'était lié à Falloux lors d'un voyage qu'ils avaient effectués ensemble en Allemagne, en Russie et en Pologne en 1836, soit deux ans avant qu'il ne se décide à entrer dans la prêtrise. L'entente entre les deux hommes s'étaient néanmoins détérioré progressivement et définitivement après 1848. Ne partageant pas le libéralisme catholique de Falloux, l'abbé deviendra un allié de L'Univers et du catholicisme intransigeant. Bouillerie François Roullet de la  (1810-1882), ordonné prêtre en 1841, il exerça son première ministère au petit séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet dont Dupanloup était supérieur. Peu après il vint se mettre à la disposition de l'archevêque de Paris, Mgr Affre, qui en fit son vicaire général titulaire et le nomma archidiacre de Sainte-Geneviève. Il conserva sa place auprès de Mgr Sibour, le successeur de Mgr Affre à l'archevêché de Paris. Il fut nommé évêque de Carcassonne, le 6 février 1855. Le 16 décembre 1872, il deviendra coadjuteur du cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, avec le titre d'archevêque  de Perga. Ultramontain, il sera l'un des partisans les plus ardents du dogme de l'infaillibilité pontificale.
4Berthe (1850-1899) et Geneviève (1842-1904).
5Kellermann, François Christophe Edmond, 3ème duc de Valmy (1802-1868), diplomate et homme politique. Attaché d'ambassade dés 1827, il démissionna de son poste de diplomate en 1833 en désaccord avec le nouveau régime issu de la révolution de Juillet 1830. Conseiller du comte de Chambord, il deviendra peu après l'un des propriétaires de La Quotidienne, journal légitimiste. Élu à la Chambre des députés en 1839, en remplacement du duc de Fitz-James, décédé. En 1843, il fait partie du pèlerinage de Belgrave Square auprès du comte de Chambord et des cinq députés qui démissionnent pour protester contre l'emploi du mot « flétrissure » dans l'Adresse du 26 janvier 1844. Réélu en 1844, il ne se représente pas aux élections générales de 1846. Rallié à l'Empire, il se consacre à la littérature politique.
6Pocquet de Livonnière, Marin Pierre Clément (1820-1865). Collaborateur à L’Union de l’Ouest de 1857 à 1858 où il soutint contre Veuillot une polémique sur la question des classiques dont la vivacité contraste avec le ton ordinaire de ses écrits. On a de lui Petits et grands (1860) et Un philosophe (1865).

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 décembre 1858», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire, Année 1858,mis à jour le : 24/06/2013