Année 1858 |
20 novembre 1858
Alfred de Falloux à Marie de Falloux
20 novembre 1858
Chère Marie,
Je suis tout confondu de ce que vous me mandez de K. Moins encore pour son avis en lui-même que pour le sentiment qui le donne, de l'état où l'on est tombé à Rennes et du froid brouillard qui l'enveloppe1. Cependant, c'est trop de choses à la fois de vouloir réformer du même coup ses amis et ses ennemis. J'y renonce donc pour le moment, car il vaut mieux en ce genre rien du tout que des efforts de mauvaise grâce et à contre-cœur. Quant aux Préfets, on ne doit pas s'étonner non plus qu'ils se passent toutes leur fantaisies. Celui de Rennes doit désormais se sentir bien à l'aise. Ici d'où il sort, il a laissé la plus pauvre impression. Brûlez donc à tout hasard la lettre d'avant hier dans laquelle C. est nommé. Vous savez que celui-là est toujours fort préoccupé en matière de discrétion, et, pour peu que les inquiétudes de K. se communiquent à voix basse d'amis en amis et d'abbés en abbés, on peut donner à la préfecture des idées qui ne lui seraient certainement pas venues. Je ne vous demande que pour les autres et une fois leurs noms mis en sûreté dans une cheminée je vous engage pour vus et pour moi, chère Marie, à ne garder aucune préoccupation et à n'en pas moins faire sur votre responsabilité et sur la mienne tout ce que vous jugerez utile ou possible ; pour mon compte ; je ne m'en gênerai plus et d'autant moins que me voilà bien averti que ce n'est pas de Rennes que partira l'initiative.
L'arrivée de Mme d'Anglade n'a point interrompu ma lecture de Mme Swetchine2 d'une demi heure ou de trois quarts d'heure tous les soirs et encore moins le travail d'Albert. Airelle et tous les autres cahiers de pensées sont maintenant complètement rédigés, révisés, classés et copiés par M. Coulbaux tout prêts pour l'imprimerie. Le premier chapitre de Résignation est au même point. Le second sera probablement ce soir, et le tout sera fini, sans que nous nous pressions un seul jour, avec le mis ou aux premiers jours de décembre. Dans cette prévision, j'ai écrit à Livonnière3 pour lui donner rendez-vous à Toulouse le 6 décembre, après avoir entendu à la chapelle ou à la paroisse, la messe de ce triste anniversaire. Le Père Lacordaire nous verra arriver le 7, si Dieu nous maintient sa bonne grâce, puis de là à Carcassonne si l'évêque est revenu4, ce dont je ne me suis pas encore informé. Je ne vous dis pas le reste du chemin, chère Marie, mais je vous assure que mon cœur l'a déjà parcouru bien des fois.
Alfred.
Mr Manceau vient de m'envoyer un récit très touchant de tous les soins qui ont été donné à Saby. Je présume que Loyde en a été bien informé.