Année 1859 |
6 mars 1859
Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux
Dimanche, 6 mars 1859
Deux mots encore, mon cher ami, non pour vous retirer le répit, simple répit que je vous accordais hier, mais pour confirmer les assurances que je vous donnais la veille. Le chagrin que votre lettre m'a causé ne cesse pas de me préoccuper et j'ai voulu bien vérifier quelques faits dont j'avais déjà la certitude, bien convaincu que je suis qu'il y a eu de l'exagération ou de malentendus dans les rapports qui vous ont été faits, comment concilier ce que j'ai entendu, toutes les fois que j'ai parlé de l'amitié qui nous lie, avec les sentiments que l'on aurait exprimés à d'autres personnes dans les termes qui vous ont été rapportés. Il est difficile de contrôler des paroles de vieille date, échangées entre gens dont on ne peut pas interroger directement et de face à face les souvenirs. Mais il en est autrement des faits matériels. Ainsi je viens de constater de nouveau que Fernand1 n'était point en Allemagne quand la lettre sur l'évêque de Rennes2 y est parvenue, et que depuis son retour en France, c'est il y a moins de trois semaines qu'il a été passer quarante huit heures à St Mars3, bien pressé qu'il était de rentrer à Paris.
Quant à la lettre, tenez pour certain que les choses se sont passées comme suit : vous auriez donné une copie à un Mr. Dubourg en lui disant de la transmettre s'il le jugeait utile ; sur quoi il vous aurait répondu que vous feriez bien de l'adresser vous même avec une lettre d'envoi. Vous vous y êtes refusé pour ne pas livrer de noms propres à la poste. Il a donc expédié la copie et l'unique déplaisir exprimé fut un regret de ne l'avoir pas reçue avec un mot de votre main. Je me suis informé de ces détails aussi scrupuleusement qu'on le peut faire et je reste persuadé que la lettre, qu'au surplus je n'ai connue moi-même qu'il y a très peu de jours, a été fort approuvée et je ne doute pas davantage du succès qu'aura obtenu le dernier article du Correspondant.
Je vous répète que l'académie et, en dehors de l'académie, d'importantes personnes désirant vous avoir ici, je vous redis aussi que vous ne pouvez pas faire faute au besoin que j'ai de votre aide ; sans précipiter incommodément votre venue ne pensez donc pas à demeurer dans la retraite.
Au revoir, mon noble ami, je vous embrasse de tout cœur.
Berryer