CECI n'est pas EXECUTE 7 août 1866

Année 1866 |

7 août 1866

Prosper Guéranger à Alfred de Falloux

Abbaye de Solesmes, ce 7 août 1866

Mon très cher ami,

Il faut pourtant que je réponde à votre gracieuse lettre et à votre aimable envoi, déjà si anciens l'un et l'autre. Je ne sais comment j'ai pu différer autant, quelle qu'aient été mon défaut de loisirs et la faiblesse de ma santé qui, en somme, est beaucoup meilleure. J'aime donc mieux vous faire de bonnes et valables excuses, en comptant sur votre indulgence et sur l'efficacité de mon ferme propos.

Vos deux nouveaux volumes de correspondance sont d'un grand intérêt1 ; mais je dois vous remercier de la manière si amicale dont vous avez traité l'introduction aux lettres qui me sont adressées2. Quand aux notes dont vous avez accompagné ses lettres, elles ne m'ont en rien contrarié. Je regrette seulement de n'avoir pas été auprès de vous, lorsque vous rédigiez celle où vous parlez d'ultramontains et de gallicans. Tout ce que vous y dites est parfaitement vraie ; mais il y a autre chose dans ce dissentiment, vous n'en signalez que les effets politiques ; c'est une question théologique qui nous divise. Quelle est l'étendue des pouvoirs que notre seigneur a conférés à Saint-Pierre, et dont le Pontife Romain est héritier ? Or, cette question importe à tous catholiques, et ce n'est pas définir le débat que de se borner à signaler l'effet respectif des deux doctrines quant à l'ordre politique. J'aurais donc désiré quelques phrases préalables, après quoi seraient venues les appréciations pratiques que vous avez posées.

J'ai pris un vif intérêt au débat électoral qui vous concernait, bien que, à vrai dire, j'eûsse pris l'espoir de voir votre nom sortir de l'urne. J'ai su qu'on a exploité contre vous jusqu'au service immense que vous avez rendu au pays en 1848, en procurant la suppression des ateliers nationaux. De tels faits témoignent bien hautement du triste état de notre société.

Vous nous faites espérer une correspondance générale de Madame Swetchine. Ce serait une grande et belle œuvre à entreprendre, lorsque la première édition sera écoulée. On pourrait éloigner un certain nombre de pièces insignifiantes, et la collection y gagnerait en intérêt. D'un autre côté, les personnes qui les ont fournis auraient la première édition pour se consoler. La mise en ordre de la correspondance selon les dates faciliterait beaucoup, en même temps qu'elle enrichirait la nouvelle édition de la vie que vous projetez.

Vous voyez, mon cher ami, qu'au milieu même de mes encombrements, je ne perds pas de vue notre Sainte amie. Veuillez croire qu'en dépit de mes longs silences qu'elle m'a si souvent reprochés, je ne perds pas votre souvenir, et que je vous garde toujours le vieil et cordial attachement dont je vous prie de recevoir ici l'assurance.

Fr. Prosper Guéranger, abbé de Solesmes

Notes

1Lettres inédites de Mme Swetchine, publiées par le Cte de Falloux, Angers, impr. De P. Lachèse, Belleuvre et Dolbeau, 1866, 499 p.
2Dom Guéranger avait été un ami très proche de Madame Swetchine comme en témoigne leur importante correspondance. Il avait fréquenté régulièrement son salon.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 août 1866», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1866, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 12/04/2013