Année 1865 |
3 juillet 1865
Prosper Guéranger à Alfred de Falloux
Abbaye de Solesmes, ce 3 juillet 1865
Mon très cher ami,
Vous devez être bien étonnés et bien mécontents de mon silence ; mais peut-être avez-vous deviné que ma santé pouvait [être] l'unique cause de ce long retard à répondre à votre aimable lettre de mai. Je tenais à vous répondre moi-même, et d'autre part, vous ne me réclamiez que pour l'été et brochure comme aviez confiées. Lorsque j'eus le plaisir de vous voir ici l'année dernière, je commençais déjà à souffrir d'une longue infirmité provenant d'affaiblissement, et qui n'a pu cédait qu'au moyen d'un changement total de régime. J'en suis revenu enfin ; mais depuis plus d'un an j'ai été condamné à une suspension totale de travail : au reste, il m'eût été impossible de rien faire. J'ai donc dû renoncer à l'article sur les Méditations1 comme à tout le reste. J'avais bien d'autres promesses que je me suis trouvé hors d'état de remplir : car depuis plus d'un an, je n'ai rien publié. Maintenant que les forces commencent à me revenir, j'ai repris l'Année liturgique2 pour la continuation de laquelle je suis l'objet de mille réclamations, et je reste impuissant à tout autre chose.C'est un regret pour moi, je vous l'assure, mon très cher ami ; mais après une interruption forcée de plus d'un an, on se jette naturellement au plus pressé. En même temps, il est de toute justice que je vous dise que s'il m'eût été possible de faire quelque chose, j'aurais trouvé toute sorte d'accueil dans le Monde3 comme toujours. C'est donc à vous, mon très cher ami, de juger de ce qu'il y a à faire pour les Méditations. Je vous remets entre les mains les brochures dont j'aurais eu tant de plaisir à rendre compte mais vous pouvez être assuré que jamais la <mot illisible> de notre Sainte amie ne se rencontrera à ma portée sans que je rende hommage à sa mémoire et à son heureux et dévoué éditeur. Vous m'annoncez la reprise de l'impression des lettres pour l'automne. Il me vient souvent en pensée de vous prier de supprimer celles dans lesquelles je suis si excessivement flatté. Je me dis qu'elle entreraient mieux par fragments dans une nouvelle édition de la Vie4. Enfin elles sont à vous, et je n'ai plus le droit de les retirer. Je me console un peu en songeant qu'elles tiendront peu de place dans 2 volumes, et surtout quelles offriront d'importants matériaux pour la Vie revue et augmentée. Que de choses nous aurions à dire à propos de l'encyclique5 ! Mais je ne saurais vous suivre sur ce terrain dans une lettre. Rome a parlé, la cause est finie, comme disait saint Augustin. Quelque jour nous pourrons revenir sur ce sujet. Aujourd'hui je n'ai voulu que mettre fin à mon silence, et vous exprimer une fois de plus ma vieille et constante amitié. Fr. Prosper Guéranger, abbé de Solesmes.