1880 |
24 janvier 1880
Charles de Mazade à Alfred de Falloux
Monsieur le comte,
Vous m'avez témoigné un intérêt si aimable et si précieux que je prix prendre la liberté de vous tenir au courant de ce que je sais. Si je me souviens que je croyais distinguer des dispositions toutes bienveillantes pour ma candidature chez un certain nombre de membres de l'Académie, je peux aller un peu plus loin. Je crois que ces dispositions ne font que s'accroître et se préciser, que ma candidature est bien accueillie de divers côtés. M. Mignet n'a point déguisé à plusieurs personnes ses intentions favorables pour moi, et soit dit tout a fait confidentiellement, M. Legouvé, qui ne m'a pas caché ses préférences pour une autre combinaison, m'a avoué en même temps que M. Mignet lui avait expressément refusé son concours sur le fauteuil où je me pressentais. M. d'Haussonville1 ne s'est pas borné a me donner son adhésion et son appui, il m'a vivement engagé a vous faire connaître ses intentions. Le duc de Broglie, que j'avais trouve très obligeant, est, m'a-t-on dit depuis, on ne peut mieux disposé. Votre intention bienveillante, monsieur le comte, peut beaucoup parmi les amis de ces messieurs et les vôtres, et elle me trouvera reconnaissant.
D'un autre côté je sais qu'il y a toujours la meilleure volonté chez M. de Laprade2, M. Barbier3, M. Marmier4, M. Sandeau5, M.Feuillet6, M. Caro7, M. Boissier8. M. Nisard9, en me parlant avec beaucoup d'intérêt pour moi, m'a dit qu'il n'avait qu'un seul engagement et je crois que la personne en faveur de qui il a cet engagement ne se présente pas. M. Jean-Baptiste Dumay10 m'a parlé aussi d'un seul engagement ; mais le candidat de sa préférence qui est son collaborateur m'a déclaré ne pas vouloir se présenter sur le même fauteuil que moi. Veuillez m'excuser, Monsieur le Comte, d'entrer dans tous les détails. Je le fais avec une confiance que vous avez autorisé par vos bontés. Il me semble qu'il y a les plus sérieux éléments de succès. Je ne sais quelle influence peut avoir sur l'élection la mort de M. Jules Favre11. Elle pourra peut-être aider à des combinaisons qui ne me paraissent pas pouvoir être défavorables pour la candidature. Je mets cette candidature sous la protection de votre bienveillance, et au moment de votre voyage à Paris je me réserve de vous demander une conversation sur des choses qui pourraient avoir une certaine utilité dans un ordre plus général.
Recevez, Monsieur le Comte, la nouvelle assurance de mon sincère et affectueux dévouement.
Ch. de Mazade.
P. S. Je crois que vous allez recevoir une lettre de candidature de M. Maxime du Camp pour un autre fauteuil ; c'est du mois ce qu'il m'a dit.