CECI n'est pas EXECUTE 9 décembre 1881

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9 décembre 1881

Charles de Mazade à Alfred de Falloux

Paris, 9 décembre 1881

Monsieur le Comte,

Vous aurez vu par les élections1 d'hier que je n'avais pas tort de me défendre jusqu'au bout des illusions, comme j'avais, je crois, eu l'honneur de vous le dire dans ma dernière lettre. Quoique fort peu initié à la diplomatie des élections académiques, j'en avais vu assez pour garder des doutes. Malgré tout, je l'avoue, je n'étais pas préparé à quelques-unes des particularités de ce scrutin. Il y a des circonstances qui m'ont un peu surpris ; mais je n'ai garde de me plaindre et je ne peux que féliciter mon confrère M. Cherbuliez2 des préférences si décidées, si sensibles dont il a été l'objet. En ce qui me concerne, il ne me reste qu'à tirer la moralité de cette petite aventure, et je tirerai cette moralité comme je le dois, en me réservant de ne plus importuner l'Académie de mes candidatures. Ce sera mieux ainsi. Je n'ai pas à la pensée de fatiguer l'académie de mon obstination. Mon seul désir est de rester ce que j'ai été jusqu'ici, tout entier à une vie de travail et d'indépendance qui est déjà longue et que je tacherai de mener jusqu'au bout fidèlement. J'ai fait une expérience, elle n'a pas réussi. On n'a pas cru devoir m'accorder des sympathies qui après tout auraient pu paraître naturelles et légitimes. Tout est dit. Je reprends librement ma tâche pour la remplir de mon mieux. Je veux seulement vous dire encore une fois, Monsieur le Comte, combien j'ai été sensible à l'obligeance que vous m'avez personnellement témoignée. Tout mon regret est de vous avoir exposé à vous engager en ma faveur pour être si peu suivi car je ne peux pas me dissimuler qu'il y a eu abandon à peu près général. Vous me pardonnerez. Ma seule justification est d'avoir cru un peu naïvement à des apparences auxquelles tout le monde d'ailleurs paraît s'être trompé jusqu'au dernier moment. Ce sera mon excuse auprès de vous. J'espère que lorsque vous aurez l'occasion de venir à Paris vous voudrez oser me faire prévenir et je serai heureux d'aller vous rendre mes devoirs, non plus en candidat, mais comme homme.

Recevez, Monsieur le Comte, la nouvelle assurance de ma haute considération et de mon affectueux dévouement.

Ch. De Mazade.

Notes

1Les élections à l'Académie, auxquelles Ch. de Mazade était candidat. Voir les lettres précédentes de Ch. de Mazade.
2Cherbuliez Victor (1829-1899), romancier, auteur dramatique et essayiste. Collaborateur de la Revue des Deux Mondes, auteur de nombreux romans, il fut élu à l'Académie française le 8 décembre 1881 en remplacement de Jules Dufaure.  

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «9 décembre 1881», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1881,mis à jour le : 07/04/2013