CECI n'est pas EXECUTE 4 février 1880

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4 février 1880

Guillaume Meignan à Alfred de Falloux

Châlons, le 4 février 1880

Monsieur le Comte,

L'article remarquable De l'unité nationale que j'avais lu dans le Correspondant1 me revient par le fait d'une attention gracieuse de votre part et dont je vous remercie, sous la forme de brochure. Je vous dois le plaisir de vous avoir lu une seconde fois. Que de vérités éclatantes dans ce petit opuscule, combien, après avoir caractérisé la situation présente, vous dévoilez manifestement l'avenir qui nous attend! La persécution, la vieille guerre à Dieu et à son Christ. Heureusement que vous signalez avec la même clairvoyance le résultat final, et le redressement, le réveil de la conscience chrétienne opprimée et outragée.

Je vous félicite sincèrement à un âge où on commence à sentir la fatigue de la lutte, de rentrer dans la carrière avec la vigueur d'un cœur et d'un esprit qui n'a point vieilli. Voilà donc le présent et l'avenir que nous ont fait ceux qui en combattant une liberté nécessaire ont vraiment essayé dans leurs écrits de faire revivre l'esprit théocratique et oppressif des âges passés. C'est à nous qu'était réservé de voir ce que Lacordaire, Montalembert et tant d'autres avec vous aviez prévu et annoncé.

Vous aviez raison de dire que si la religion chrétienne, bannis un jour des écoles et peut-être un jour de nos vieux temples, se conserve dans les familles rien ne sera perdu en France, et que notre culte persécuté refleurira sur les ruines. Mais les familles chrétiennes ne vont-elles pas se laisser entamer? En Anjou, non peut-être2; mais dans les provinces que j'habite, on est si indifférent, si ignorant, en fait de religion, si tiède, si affaibli, si agonisant que je crains des défections. Il suffit aujourd'hui de la terreur qu'inspirent la dénonciation aux fonctionnaires publics qui vont encore à l'église ou qui nous confient leurs enfants, pour modifier leur manière d'être et de faire à notre égard: que sera-ce si on ajoute aux destitutions les persécutions ouvertes, si on menace l'avenir de leurs enfants, ou leur propre sécurité ? En vous félicitant d'avoir eu la pensée de multiplier vos lecteurs en convertissant votre article en brochure, je vous remercie de me l'avoir envoyée; et je vous prie d'agréer l'assurance de mon respectueux dévouement.

Guillaume, ev de Chalons

Notes

1Falloux avait publié De l'unité nationale dans le Correspondant du 25 novembre 1879. Dans cet article, publié peu après en brochure, Falloux dénonçait avec vigueur les atteintes du gouvernement républicain à la liberté de l'enseignement.
2L'Anjou (Maine-et-Loire) fait alors partie des régions de France où la pratique religieuse demeure quasiment unanime.  

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «4 février 1880», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1880,mis à jour le : 07/04/2013