CECI n'est pas EXECUTE 3 novembre 1879

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3 novembre 1879

Werner de Mérode à Alfred de Falloux

Everberg1, 3 novembre 1879

Mon cher ami,

Je profite d'un jour de pluie et de repos pour vous remercier des bontés, dont j'ai été l'objet de votre part, de celle de Mme la marquise de Caradeuc et de Mme de Falloux pendant les très agréables journées, que j'ai passées au Bourg d'Iré. Je conserve le meilleur, le plus reconnaissant souvenir de ce jour en un lieu où les sentiments catholiques et monarchistes font bon ménage. Malheureusement assez rare avec le bon sens, l'esprit pratique, la connaissance des nécessités du temps, où sans avoir le culte des principes de 89, il faut bien tenir compte des faits de cette époque. J'ai fait un très agréable voyage du Bourg d'Iré au Chillon2, à travers un charmant pays et au milieu de braves gens, qui saluent les voitures et semblent sympathiques à ceux qui les occupent. J'ai trouvé chez Mme de Lamoriciere3 une nombreuse compagnie, très occupée de votre absence à la cérémonie de Nantes4. Je ne vous dis rien de la foule qui remplissait la cathédrale, ni du discours de l'évêque d'Angers5 non plus que des conversations dont il a été l'objet. Après avoir entendu tant de mal des habiles6, j'ai été admiré leurs œuvres à Angers. Mgr Sauvé7 m'a montré la magnifique université de cette ville et je n'ai cessé de leur dire qu'il fallait bien avouer, qu'après tout, les habiles avaient du bon: car sans eux, sans la loi de 1850, sans les deux lois de 1875 faites par d'autres habiles, on ne pourrait pas faire sortir de terre de si beaux et si utiles établissements. Les habiles de ce pays-ci, si décriés par les purs8, ont préparé cette merveille par la liberté d'enseignement, que le jour où l'état a voulu faire des écoles sans Dieu sans religion, on a partout ouvert des écoles catholiques orthodoxes où tous les enfants se sont précipités, et les instituteurs officiels flanqués de leurs adjoints comptent dans leurs écoles un ou deux élèves et jamais plus du dixième de la population scolaire. C'est ce qui se passe ici à Rixensart et à Petersheim9 où je vais demain. La semaine prochaine, je rentrerai à Trélon10. Veuillez mettre mes hommages aux pieds de Mme de Caradeuc et de Mme de Falloux et partager mes amitiés avec M. de Resseguier.

W. Merode.

Notes

1Propriété de Werner de Mérode, près de Louvain, en Belgique.
2Château appartenant aux Lamoricière, situé au Louroux-Béconnais, commune angevine proche du Bourg d'Iré.
3Marie Amélie, née d'Auberville (1827-1905), mariée avec le général Juchault de Lamoricière  en 1847.
4Cérémonie en l'honneur du général Lamoricière à la cathédrale de Nantes, le 29 octobre 1879.
6C'est ainsi qu'étaient nommés les catholiques libéraux.
7Mgr Henri Sauvé (1817-1896), théologal du Chapitre de Laval et premier recteur de l'Université catholique d'Angers.
8Les « purs », expression désignant les catholiques intransigeants.
9Les princes de Mérode possédaient de très nombreux châteaux en Belgique dont ceux de Rixensart, commune du Brabant wallon et de Petersheim, commune du Limburg.
10Château de Trélon, propriété de Werner de Mérode, dans le département du Nord.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 novembre 1879», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1879,mis à jour le : 07/04/2013