Année 1856 |
28 janvier 1856
Alfred de Falloux à Charles de Montalembert
28 janvier 1856
Votre bonne lettre me cause toute sorte de joie, cher ami, et j'ai hâte de vous en remercier. Votre grâce parfaite envers M. de Livonnière1 m'enlève une vraie épine du cœur, et je vais maintenant essayer de me justifier sur d'autres points. C'est surtout du point de vue de Rome que je m'étais inquiété de quelque <mot illisible> de votre travail sur l'Angleterre2, et ce n'est pas ce qu'auront pensé d'abord nos amis français. Permettez-moi donc de vous recommander toujours du côté des préoccupations et pour nous deux et pour le Correspondant en général, plus il sera en voie de réussir, plus il sera suspect et surveillé. Nous pourrions ne pas marchander un dernier cri de protestation et de désespoir ; mais puisque nous gagnons la chance non seulement de vivre mais d'être forts, nous devons redoubler de ménagements et de respect pour notre œuvre. Les huit conférences du Père Lacordaire sont un <mot illisible> à tous les points de vue et nous ne pourrons assez nous bénir de nous les avoir obtenues. L'article d'A. de Broglie est un chef d’œuvre de <mot illisible>, de clarté et de précision, <mot illisible> sur ces qualités parce que ce sont celles qu'on a l'habitude de lui contester et qu'elles sont là par un heureux <mot illisible> sans rien enlever aux autres. Cela m'a fort découragé de mon propre travail3 et vous aurez à réfléchir vous-mêmes sur ce sujet. Ceci me conduit aux dates de publication et à ma lettre à L'Univers dont vous avez été mécontent. Je craignais bien d'avance qu'elle ne vous produisit cet effet ; mais ici encore je vous ai sacrifié à M. S. Je mettrais mois de prix à la sagacité publique, qu'à la sagacité particulière de quelques émissaires romains auxquels je prenais droit de dire : vous voyez que je ne saisis pas les occasions aux cheveux, vous voyez que je ne fais pas la cour aux châteaux à vos dépens. Rappelez vous cher ami, que je crois très peu à la puissance de mon talent et me serez toujours bien passé de rechercher celle qu'on emprunte à des auxiliaires tels que <deux mots illisibles> de sa délicatesse, de son calme, même un peu surabondant. Croyez bien aussi que si mon article peut <mot illisible> après celui de M. de Broglie4, il sera <mot illisible> qu'il ne paraisse que dans le n° de mars. Laissons d'abord celui-ci faire son effet en France et à l'étranger. Sa portée en est profonde et en sera durable. Notre auditoire et celui de L'Univers n'ont pas l'estomac accoutumé à de tels morceaux. Laissons-les les digérer <phrase illisible>. Au reste, je me propose toujours, comme un vrai devoir, et comme une grande fête d'aller discuter tout cela avec vous de vive voix, dés que vous serez à Paris. Sur cette perspective, je vous quitte en vous embrassant de tout cœur.
A. de F.