CECI n'est pas EXECUTE 11 juin 1856

Année 1856 |

11 juin 1856

Alfred de Falloux à Francisque de Corcelle

11 juin 1856

Cher ami,

Nous avons tous la plus grande envie de vous tenir, vous n'en doutez pas et en attendant de vous annoncer ; mais la difficulté est précisément ce titre1 que vous ne voulez pas choisir et qu'aucun de nous n'en prendra sur lui de fixer. Veuillez donc vous tirer d'embarras vous-même et, si vous ne le pouvez, du moins ne nous manquez pas de parole pour l'article lui même que nous attendons comme le Messie. Montalembert est à l’œuvre pour les quelques pages provisoires. Il répond2 directement à Lord Palmerston3 et à M. de Cavour4 ; il n’empiétera donc en rien dire sur votre plan, que vous avez bien raison de placer à sa hauteur générale et indépendante des petites hausses et des petites baisses factices qui vont se jouer sur l'Italie comme sur le reste et qui, comme le reste aboutiront à une catastrophe.
Je ne puis vous dire à date juste l'abandon de l'idée d'intervention piémontaise en 49, comme j'y étais radicalement opposé, le Président et Drouin de Lhuys5 menaient cela en cachette de moi autant qu'ils le pouvaient, et ils me disaient qu'ils y renonçaient lorsque je voyais bien qu'ils la poursuivaient encore. Cependant vous pouvez établir en toute certitude que l'idée, née avec Gioberti6, portée avec lui au ministère est tombée et en est sortie avec lui comme ambassadeur à Paris, il n'avait plus ni crédit réel, ni autorité. Je ne saurais assez vous dire, cher ami, avec quelle impatience, j'attendais votre jugement et combien ce qu'il a de favorable m'a mis le cœur et la conscience en liesse. Je ne vous donne pas moins acte de vos réserves sur lesquelles nous reviendrons à fond. Combien je voudrais que ce fut au Bourg d'Iré !!! J'ai laissé femme et fille en Bretagne. Les nouvelles en sont très bonnes. Je suis ici à l'hydrothérapie, je m'en trouve bien et je continuerai ce régime jusqu'au 25 de ce mois. Si donc vous avez un aimable souvenir pour moi, adressez-le moi toujours aux Neothermes7, 56, rue de la Victoire.

A. de Falloux.

Notes

1Sans doute s'agit-il de son article intitulé « Du gouvernement pontifical. » Le Correspondant (25 juillet 1856).
2Il s'agit de son article « Pie IX et Lord Palmerston » (Le Correspondant, 25 juin 1856). Montalembert y dénonçait l'entente entre la France et l'Angleterre concernant l'unité italienne qui se ferait aux dépens de la temporalité du pape.
3Palmerston, Lord Henry George Temple (1784-1865), homme d'état anglais. Membre du parti whig, il fut ministre des Affaires étrangères à diverses reprises (1830-1834 ; 1835-1841 ; 1846-1851). Contraint de démissionner pour avoir reconnu un peu trop hâtivement le gouvernement français issu du coup d'état du 2 décembre, il occupa par la suite le poste de Premier ministre, de 1855 à 1858 puis de 1859 à sa mort.
4Cavour, Benso, comte de (1810-1861), homme d'état italien.  Entré à l’Académie militaire de Turin à l’âge de dix ans, il en sortit en 1826 avec le grade de sous-lieutenant dans le corps royal du génie. Envoyé en poste à Gènes en 1830, il accueillit avec enthousiasme la révolution de Juillet. Ses idées jacobines et les soupçons qui pesaient sur son appartenance au carbonarisme lui valurent d’être transféré dans la vallée d'Aoste, véritable exil. Démissionnaire de l’armée, il séjourna à partir de 1833 chez son oncle, à Genève. Partisan du libre échange, il rédigea divers ouvrages sur cette question et effectua plusieurs voyages en Europe.  Premier ministre et ministre des finances du Piémont et d’Italie (1852-1861).
5Drouyn de Lhuys, Édouard (1805-1881), diplomate et homme politique. Député de l'opposition libérale sous la Monarchie de Juillet (1842-1846), il sera réélu en 1848 à l'Assemblée constituante. Ministre ds Affaires étrangères, aux côtés de Falloux dans le premier gouvernement Barrot, il sera remplacé en juillet 1849 par A. de Tocqueville. Redevenu ministre des Affaires étrangères le 14 janvier 1851, il soutint le coup d'état. Il occupa à nouveau le poste de ministre des Affaires étrangères de 1852 à 1855 et de 1862 à 1866. En désaccord avec l'Empereur qui refusait d'intervenir militairement contre la Prusse, il démissionna le Ier septembre 1866 cédant la place à Ch. de la Valette. Il s'éloigna dés lors définitivement de la scène politique se consacrant exclusivement à l'Académie des sciences morales et politiques.
6Gioberti Vincenzo (1801-1852), prêtre, philosophe et homme politique italien, il avait été un des théoriciens du Risorgimento. Le 16 décembre 1848, il avait été nommé premier ministre du roi Charles-Albert. Critiqué sur sa gauche, il avait été contraint à la démission le 29 mars 1849. Nommé ambassadeur à Paris par Victor-Emanuel, il tenta en vain d'obtenir de la France une intervention en faveur de l'Italie. Ses attaques contre Pie IX, principal obstacle à l'unité italienne, lui vaudront d'être mis à l'Index.  
7Établissement parisien d'hydrothérapie.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 juin 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1856, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 12/11/2013