CECI n'est pas EXECUTE 11 février 1856

Année 1856 |

11 février 1856

Francisque de Corcelle à Alfred de Falloux

Paris, 11 février 1856

Un tout petit mot, mon cher ami, pour vous dire que me trouvant à dîner, il y a 3 jours, chez Mr. Pasq[uier]. à côté de M. Cousin, celui-ci m'a entretenu, avec tous les témoignages d'une impétueuse bienveillance, de votre candidature. Il prétend que vous feriez bien de revenir bientôt, que vos chances paraissent assurées, mais que les adversaires ou douteux tirent une objection de votre résidence habituelle loin de Paris, que vous devriez donc apparaître au moins de temps en temps. Al1. et Rem2. ne sont pas douteux3. A un autre point de vue, votre arrivée serait utile. Le Corresp[ondan]t a besoin, je crois de vos conseils. Presque tous ceux qui font des vœux pour ce recueil craignent le défaut de suite, et de liens. Un Buloz4 catholique leur paraîtrait le seul moyen de réussir.  L'avertisseur a dit à Mallac5 que la publication dans l'Assembl[ée nationale] avait seul détourné la sévérité du g[ouvernement]t. M. de Vog[üé] regrettait bien, chez M. Benoist d'Azy6, cette publication en dehors du milieu habituel.

On redoute l'effet de l'avertiss[emen]t7 sur les timides et particulièrement dans le clergé.

J'ai su des particularités intéressantes sur les dispositions de M. V[euillot]. Mais je ne puis vous en entretenir de loin. Alex[is de Tocqueville] est revenu avec un Ier volume intitulé : La Révol[ution] Française. Il les publiera séparément et avant les 2 autres qui suivront. Ce sera dans un mois environ.

Si le Correspond[ant] pouvait obtenir un morceau détaché, ce serait une bonne fortune.

  1. M. Dufaure m'a paru fort scandalisé du procès de M. de Valmy8, et en général, au palais on partage ce sentiment. Mais j'ignore l'affaire. Le Gl Bosquet9 affirme que le décret levant l'interdit pour la rentrée des généraux africains est tout prêt pour la naissance du roi d'Algérie. Pauvre Changarnier ! On l'eut bien étonné si on lui avait prédit à l'époque où il s'écriait ! : « Législateurs, délibérez en paix ! » qu'il serait gracié à l'occasion des couches de la C[om]tesse de Thèbes10.

    S'il est vrai qu'une grâce exige une acceptation et sollicitation et qu'il est tout simplement, pour ce qui le concerne, persécuté par coup d'état.

    Aug. Schaffe11 commence une bien affligeante maladie de cœur. Son pauvre frère en est mort. Il m'a fait un cadeau dont je suis fort touché, 2 magnifiques photographies de son St. Augustin et de la tentation.

    Adieu, cher ami, je souhaite ardemment vous revoir sous peu de jours. Offrez, je vous prie, mes bien dévoués hommages à Madame de Falloux. Croyez à ma fidèle amitié.

    F. C.

Notes

1Sans doute Alexis de Tocqueville.
2Sans doute Charles de Rémusat.
3L'un et l'autre n' étaient guère favorables à l'entrée de Falloux à l'Académie.
4Buloz François (1803-1877), éditeur et publiciste. Co-fondateur puis rédacteur en chef de la Revue des Deux-Mondes, quil dirigea pendant près de quarante ans.  
5Eloi Mallac est directeur de L'Assemblée nationale, le journal des légitimistes partisans d'une « fusion » avec les orléanistes.
6Benoist d'Azy, Paul (1824-1898), entrepreneur. Ancien élève de l’École polytechnique, il démissionna de l’armée pour entrer à l’École des Mines afin de seconder son père, Denys Benoist d’Azy, dans la direction de ses établissements métallurgiques d’Alés. Élève de Le Play, il l’accompagna dans ses voyages en Scandinavie (1845), Italie du Nord et Autriche-Hongrie (1846). En 1854, nommé directeur gérant des usines de Fourchambault, Torteron et Imphy, il continua de s’intéresser à la question ouvrière. Propriétaire d'un domaine dans la Nièvre, il s'y était retiré depuis 1871.
7Le 6 février 1856, soit quelques semaines après son Ier numéro (25 octobre 1855), le Correspondant venait de recevoir son premier avertissement pour l'article d'A. de Broglie « Des caractères de la polémique religieuse actuelle » (25 janvier 1856) et pour l'article de Montalembert sur l'Angleterre (25 novembre 1855). Voir la lettre de Corcelle à Falloux du Ier décembre 1855.
8Kellermann, François Christophe Edmond, 3ème duc de Valmy (1802-1868), diplomate et homme politique. Il était alors en procès au sujet de la succession de la duchesse de Plaisance. Attaché d'ambassade dés 1827, il avait démissionné de son poste de diplomate en 1833 en désaccord avec le nouveau régime issu de la révolution de Juillet 1830. Conseiller du comte de Chambord, il deviendra peu après l'un des propriétaires de La Quotidienne, journal légitimiste. Élu à la Chambre des députés en 1839, en remplacement du duc de Fitz-James, décédé. En 1843, il fait partie du pèlerinage de Belgrave Square auprès du comte de Chambord et des cinq députés qui démissionnent pour protester contre l'emploi du mot « flétrissure » dans l'Adresse du 26 janvier 1844. Réélu en 1844, il ne se représentera pas aux élections générales de 1846. Rallié à l'Empire, il se consacra à la littérature politique.
9Bosquet, Pierre François Joseph (1810-1861), militaire. Il servit en Algérie où il obtint le grade de général. Blessé lors de la bataille de Malakoff (1855), il devint maréchal quelques mois plus tard.
10Montijo, Eugénie de (1826-1920), l'impératrice, était la fille du comte et de la comtesse de Thèbes. Elle accouchera le 16 mars d'un garçon, le seul enfant du couple impérial, le prince Napoléon dit Louis-Napoléon qui mourra en Afrique du sud le Ier juin 1879.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 février 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1856, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 05/11/2012