CECI n'est pas EXECUTE 28 juillet 1856

Année 1856 |

28 juillet 1856

Mgr Sibour à Alfred de Falloux

Château de Belle-Eau1, 28 juillet 1856, près Donzère (Drôme)

Mon cher Monsieur, La tournure que prend l'affaire M. Cousin me plonge comme vous dans la douleur. Cette douleur est fondée principalement sur mon amour pour le S[ain]t Siège dont on veut compromettre l'honneur, en le poussant à de telles extrémités. M. Cousin revient peu à peu à la foi chrétienne. Des doutes lui restent encore ; il ne pourrait pas signer dès lors une profession de foi explicite sans mentir à sa conscience. N'importe, on lui propose de la signer sous peine de se voir flétrit. On veut donc en faire un hypocrite, un parjure ! M. Cousin, dans cet état de doute promet de ne rien écrire de contraire à la doctrine catholique, en attendant que, par la prière il ait obtenu le don de la foi. Il semble que c'est tout ce qu'on peut exiger d'un enfant de l'Église. Non, ce n'est pas assez, il faut qu'il dise qu'il a la foi pleine et entière lorsqu'il ne l'a pas encore! Puis, quand il aura signé tout ce e qu'on veut lui faire signer, on publiera le décret contre son livre.  C'est à dire que lorsque l'enfant se sera soumis, pour le récompenser de son obéissance e on lui donnera les étrivières ! Enfin, M. Cousin demande au nonce apostolique communication du rapport fait à la congrégation, non pour le discuter, mais pour corriger son livre dans le sens de ce rapport, et on la lui refuse ! M. Cousin demande où est la justice ! Tout le monde se le demandera aussi.

Vous comprenez, monsieur le Comte, que je n'ai pas tenu ce langage à M. Cousin. Je l'ai engagé au contraire à se recueillir en Dieu, et à se mettre, par la prière, dans le cas de pouvoir donner au S[ain]t Père la satisfaction que sa sainteté demande. Mais il n'en est pas moins vrai qu'on ne peut pas commander à Dieu, brusquer les moments de sa grâce, et qu'il y a dans ces maladroites exigences quelque chose de profondément déplorable. Il faut y voir la main secrète de ce parti que vous avez démasqué et qui perdrait l'Église, si l'Église pouvait être perdue. Après tout ce que j'ai écrit à Rome, je ne suis peut être plus en mesure de parler aussi nettement que je viens de le faire avec vous. Je dois croire en effet que j'y ai épuisé mon crédit, puisqu'on a tenu aucun compte de mes premières lettres. Vous êtes dans une meilleure situation ; continuez à écrire avec énergie ; parlez au nom de la religion, de l'honneur du S[ain]t Siège et du salut des âmes. Tout enfant de l'Église doit signaler au père commun les dangers que des esprits exaltés ou égarés s'efforcent de lui cacher.  Je viens d'écrire moi même au S[ain]t Père dans une certaine mesure. Cependant à la fin de ma lettre je dis que si la lettre filiale de M. Cousin n'a pour résultat que d'attirer de pareilles sévérités sur son auteur, nous n'aurons plus, M. le comte de Falloux et moi, qu'à vous envelopper dans notre douleur et à nous plaindre à Dieu, mais à Dieu seul de ce que notre honneur, engagé sous quelque rapport dans cette affaire, ait été estimé si peu de choses à Rome qu'on en a tenu aucun compte. Soyez pleinement rassuré, Mon cher Monsieur, en ce qui vous touche. Je connais la noblesse de vos sentiments, et votre excellente lettre n'a fait qu'ajouter à la haute et affectueuse estime avec laquelle je suis tout à vous.  

D. Auguste, arch. de Paris.

Notes

1Résidence d'été de Mgr Sibour.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «28 juillet 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1856, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 12/11/2013