1878 |
21 février 1878
Alfred de Falloux à Couvreux (abbé)
21 février 1878
Nous commençons par saluer fort respectueusement les onze ans de Boni1. Nous sommes tous convaincus désormais de sa profonde sagesse et de son grand savoir, puis ensuite nous l'embrassons bien tendrement. Nous connaissons la bergère , et nous avons beaucoup plaint la situation de son nez. Nous ne voudrions certainement mettre le nôtre dans la même position. J'attends de nouvelles questions, ces jours-ci. Si elles m'arrivent avant que MM. les devineurs [sic] soient partis pour Paris, je ne manquerai pas de partager avec eux. Nous attendons donc avec bien de l'impatience la décision qui sera prise sur leur voyage, et nous nous recommandons toujours aux plumes charitables de Rochecotte.
Nous avons été obligés hier, de remettre des sangsues à Mad. de Caradeuc2 qui était reprise de grandes pesanteurs de tête, surtout la nuit. Ce remède écarte toujours le danger immédiat, quand on est averti d'y recourir à temps ; mais il laisse toujours plus de faiblesse derrière soi, et fait frémir devant la menace d'un jour où l'avertissement aurait manqué. Nous ne vous demandons pas vos prières ; nous y comptons.
Nous n'avons point de candidat pour la Papauté3 ; faute de connaître suffisamment les cardinaux, et de savoir comment Pecci4, Panebianco5 ou Canossa6 doivent se traduire en langue raisonnable. Je me borne donc à souhaiter le Pape en blanc, mais je le souhaite ardemment affranchi des influences et des procédés qui, depuis douze ou quinze ans, ont conduit successivement l'Église à perdre tous les bénéfices laborieusement acquis dans les années précédentes, à pousser jusqu'à l'extrême toutes les hostilités, et à ne se complaire que dans des querelles en tous pays et sur toutes questions. J'ai toujours reconnu en Pie IX plusieurs des qualités d'un grand homme ; il m'a été impossible d'y reconnaître les actes et la direction d'un grand pape dans le sens politique du mot, et il me semble que notre siècle exige plus que jamais un pape sachant manier les peuples, les gouvernements et les intelligences. C'est donc là que je demande au nouveau pape, quel qu’il soit. Vous voyez que je ne suis pas difficile ! En attendant, il m'est impossible non plus de céder Mad. de Castellane sur la duchesse de Deauville. J'aimerais mieux nier l'existence du livre lui-même que de l'attribuer à une autre que la duchesse de Chevreuse et un jésuite.
A. de Falloux
Ecce telegramma gratias agotibi omnilens. Gaudemus et exultemus vobiscum et cum tota ecclesia.