Année 1865 |
15 janvier 1865
Théophile Foisset à Alfred de Falloux
Dijon, 15 janvier 1865
Monsieur, je vous communique sans retard la note adoptée ce matin en conseil et qui doit paraître dans le Correspondant du 25 sous la signature du secrétaire de la rédaction. Si vous avez des objections contre cette note, soyez assez bon pour en écrire au prince de Broglie à Paris. Il n'est pas impossible que ce dernier et Cochin reviennent sur leur détermination ; car, après l'adoption de la note dont il s'agit, il leur est parvenu, de l'évêché que vous savez, les lignes ci-après : « Je demeure convaincu qu'il n'y a lieu à aucune déclaration collective ou individuelle. La réflexion me montre de plus en plus que ce qu'il y a à dire peut-être absolument victorieux vis-à-vis des uns et des autres, mais cela doit être dit par un autre que par vous. »
Ces Messieurs ne doutent pas que le prélat ne fasse allusion ici à un écrit de lui qui est sous presse et qu'il espère publier avant le plus prochain numéro du Correspondant1.
Il nous a semblé à tous, sauf à M. de Gaillard, qu'il y a impossibilité 1° de ne point publier l'Encyclique et le Syllabus 2° de les publier sans les faire suivre de quelques paroles. M. Cochin doit voir l'évêque2 demain et lui communiquer la note ci-jointe. Je n'imagine pas que Messieurs de Broglie et Cochin retirent cette note qui est leur œuvre. Quoi qu'il en soit, ils en conféreront avec l'évêque.
J'ignore tout à fait ce que pensera notre ami de la Roche3, qui m'a écrit coup sur coup trois lettres d'une extrême exaspération contre le Monde4, auxquelles il nous somme de dire son fait. Il y a eu parmi nous unanimité pour la négative.
Cela dit, il conviendrait de vous expliquer ce qui s'est passé en conseil ici. Il nous écrit de le faire dans une lettre confiée à la poste.
Étaient présents MM. de Broglie, Cochin, de Gaillard, de Meaux, de Vogüé et votre serviteur. Qu'il reste provisoirement, mais… mais… mais… Vous savez cela. Il a demandé la lecture de l'article qui avait été préparé. Il ne l'a critiqué à aucun égard. Il a dit qu'il convenait de l'adopter. 1° par ce qu'il provient d'un homme qui croit à la possibilité pour le Correspondant de rester à son poste de combat, 2° parce qu'incontestablement la majorité de nos lecteurs sympathise avec ces idées, déjà exposées avec applaudissements dans le n° du 25 février dernier.
Toutefois M. de Broglie a demandé la permission de lire une note qui, discutée et modifiée, est devenue celle qui est sous vos yeux. Je m'y suis rallié dans l'espoir que cette faible satisfaction donnée au point de vue de M. de Broglie diminuerait un peu l'impatience qu'il a de s'en aller. M. de Meaux doit vous écrire ; il vous en dira davantage. Il y a là une question personnelle, sur laquelle il ne me sied pas de m'appesantir.
J'avoue que la discussion m'a été très douloureuse. Elle n'a porté en quoi que ce soit sur mon travail ; ce n'est donc pas mon amour-propre qui est ici en jeu (ce qui me rendrait à bon droit récusable). Mais la plaie faite aux âmes par l'Encyclique et surtout par le Syllabus5 est bien plus profonde que je ne le présumais dans le cœur de nos amis, M. de Meaux seul excepté. Ce dernier est, ainsi que moi, Monsieur, complètement avec vous sur tous les points traités dans vos lettres. Si vous pouviez voir combien je suis reconnaissant de vos bontés, combien éclairé et fortifié par vos lumières ! On ne saurait être plus vivement, plus respectueusement, plus profondément avoue que votre humble serviteur.
F.