Année 1859 |
17 septembre 1859
Alfred de Falloux à Charles de Montalembert
Angers, 17 septembre 1859
Nous voici parfaitement à l'unisson, cher ami, et on ne peut mieux d'accord d'intention. Je vais maintenant travailler au fait. Vous me comblerez de joie, si vous m'obtenez le plus vite possible la lettre du P. Lacordaire à M. Foisset. Veuillez, par la même occasion, faire connaître à M. Foisset ma justification en ce qui concerne le P. Lacordaire. Je ne suis nullement irrité, mais sincèrement humilité et affligé que le cher Père ait cru si aisément coupable envers lui un des hommes qui depuis vingt-cinq ans lui à été le plus inviolablement et le plus tendrement fidèle. Cela me met donc un peu en timidité vis-à-vis de lui, surtout sur cette même affaire, où il avait sans doute quelque ombrage préconçu. Je vous enverrai donc à vous d'abord, le travail refait en vous priant de le faire passer avec votre apostille à Sorèze. Il y aura ainsi beaucoup meilleure chance de succès et plus j'y ai réfléchi, plus je me suis convaincu que tous les amis de Mme Swetchine vous en béniraient sans que vos propres amis (au premier rang desquels je me compte) puissent songer à s'en plaindre1. Dans le fragment que vous m'avez renvoyé je n'ai point retrouvé l'extrait des dernières lettres de vous. J'en ai conclu que vous ne trouviez rien à retrancher ou à modifier dans ce que vous ne me renvoyez pas. Si mon interprétation est erronée ne manquez pas de m'avertir. Je vais me faire lire le volume publié par M. Forgues2, attendre la lettre de M. Foisset et aussitôt ces deux secours acquis, me remettre à l’œuvre, ce qui ne sera plus qu'une affaire de très peu de temps. Les amis de Mme Swetchine m'ont pardessus tout recommandé de ne pas la présenter au Correspondant par un fragment écourté. C'est après en avoir consulté plusieurs que je m'étais fixé sur l'épisode complet de la guerre de Russie et de Mme de Krüdener3. Je craindrais de nouveaux mécontentements en vous obéissant, cher ami, comme j'y suis toujours porté. Seulement, vous devriez bien ne plus vous excuser de votre franchise, d'une part comme si vous en usiez pour la première fois et d'autre part comme si je ne vous en avais pas toujours montré ma particulière reconnaissance. Je vous donnerai pour le numéro d'octobre le Traité de la Vieillesse de Mme Swetchine elle-même qui demeurera, j'en suis convaincu. un des chefs d’œuvre de notre langue et l'ouvrage entier paraîtra du 10 au 15 novembre. Le second volume, qui contient les œuvres de Mme Swetchine est aux trois quarts imprimé. Le premier volume, celui de La Vie va s'entamer ces jours-ci et je n'ai pour ce volume que votre épisode dont les matériaux ne soient pas déjà sur pied. Mille et mille tendresses.
A. de F.
Sauzet à répondu à mes dernières instances qu'il s'était mis à l’œuvre sur Rome4. Je l'ai aussitôt écrit à Cochin. Je le presse lui-même bien vivement de ne pas se montrer dans sa chronique trop complaisant pour l'indigne rôle que l'on fait jouer à la France depuis et y compris Villafranca5. J'espère que vous aurez travaillé et réussi à le convaincre dans le même sens. Mon adresse va être encore durant quelques semaines : Impasse des Jacobins à Angers.