1871 |
22 mai 1871
Alfred de Falloux à Charles de Lacombe
22 mai 1871*
Mon cher ami,
Je n'ai point voulu en effet encourager aucune impatience ou aucun mauvais procédé. Entre Bordeaux et Versailles, j'ai consacré un séjour de Rochecotte à dissiper près de plusieurs de vos collègues, d'injustes méfiances contre M. Thiers, et j'ai vivement félicité Kerdrel d'avoir obtenu de la droite l'oubli et le vote. Mais M. Thiers a commis des fautes et laissées percer des vues qui, selon moi, et exiger impérieusement la résistance, et cela je n'aurais pu le taire sans manquer absolument à ma conscience.
La maxime de M. de Bonald1 ne me paraît pas applicable à cette heure-ci. En ce moment, le devoir me semble tout à fait d'accord avec l'habileté. Le statu quo ou le provisoire, de quelque noms qu'on le décore, ne seront que des instruments de décomposition jusqu'à notre pourriture totale.
Vous me conseillez décrire à M. Thiers, je vous obéis immédiatement, car ma reconnaissance est mon dévouement pour lui n'ont pas varié une minute. J'aurais voulu vous envoyer ma lettre ouverte, mais elle touche à des cordes délicates, et j'ai pensé qu'il serait peut-être plus commode, plus utile à votre précieuse intimité avec lui de pouvoir décliner toute solidarité. Ce qui concilierait tout, c'est que de lui-même il vous la donnât à lire. Tachez de prendre votre moment pour cela, et en tout cas dites-moi son impression et la vôtre avec une entière franchise, si toutefois ma lettre n'est pas jetée dans une corbeille sans être lue. Merci mille fois pour votre bonne réponse. À vous de tout cœur.
Alfred.
*Lettre publiée par Charles de Lacombe dans son Journal politique, t. 1. p. 24-25