CECI n'est pas EXECUTE Mai 1872

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Mai 1872

Alfred de Falloux à Albert de Rességuier

[Mai 1872]

Cher ami,

L'émotion de Jardry1, auditeur enthousiasmé, avait fait naître en moi une vraie attente ; elle vient d'être surpassée. Le discours de M. Depeyre2 lu à haute voix a soulevé autant de bravos dans le petit club du Bourg d'Iré que dans le grand public de Paris. C'est à tous les points de vue un chef-d’œuvre, et j'écris par le même courrier afin qu'on m'envoie un certain nombre d'exemplaires à distribuer quand il aura paru en brochure…

Ah ! La liberté a de grands maux mais elle a de grands remèdes ; elle a de grandes amertumes, mais elle a de grandes consolations, et, mourir pour mourir, il vaut mieux tomber sur un champ de bataille de nobles armes à la main que d'être silencieusement étranglé dans le sérail de Louis XV.

Ne parlons plus d'ancien régime et de contre-révolution, puisque grâce à Dieu personne n'en parle désormais. Néanmoins veuillez dire à M. Depeyre qu'il m'a fait sentir une fois de plus combien notre siècle et notre  pays sont supérieurs par plus d'un côté aux images fausses et artificielles que nous trace d'un certain passé un rabâchage puéril.

Oh ! Si nous voulions nous donner tout entier à notre siècle, à notre pays, que de beaux jours nous  devrions encore à la puissance de la parole, mise au service de la conscience et de la justice.

En attendant, cher ami, dites bien à votre éloquent compatriote que je ne me borne pas à l'applaudir et que mon vieux cœur tout réjoui lui adresse la reconnaissance la plus émue.

Ne m'oubliez pas pour cela rue de Lille.

Alfred

Notes

1Secrétaire de Falloux.
2Depeyre Octave Victor (1825-1891), avocat et homme politique. Élu député de la Haute-Garonne en 1871, il s'était fait inscrire à la réunion Colbert et aux Réservoirs et avait pris place à droite. Ardent monarchiste, il attaqua à diverses reprises le gouvernement de Thiers et contribua activement à son renversement. Il fut l'un des auteurs du projet de prorogation des pouvoirs du maréchal qui aboutit au septennat voté le 20 novembre 1873. Ministre de la Justice dans le cabinet de Broglie remanié, il prit plusieurs mesures conformes à ses opinions  et défendit, contre ses propres amis les légitimistes « le caractère incommutable du vote du 20 novembre, par lequel l'assemblée a entendu placer les pouvoirs du maréchal et leur durée au-dessus de toute contestation. ». Ayant suivi le cabinet de Broglie dans sa chute (21 mai 1875), il reprit sa place à droite et vota pour les prières publiques, pour l'abrogation des lois d'exil, pour le pouvoir constituant de l'Assemblée, pour l'arrêté contre les enterrements civils contre l'amendement Wallon et contre les lois constitutionnelles. Il sera élu au Sénat le 30 janvier 1876. Battu lors du renouvellement triennal du sénat en 1879, il quitta la vie politique.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Mai 1872», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1872, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 13/10/2023