1872 |
Mai 1872
Alfred de Falloux à Albert de Rességuier
[Mai 1872]
Cher ami,
L'émotion de Jardry1, auditeur enthousiasmé, avait fait naître en moi une vraie attente ; elle vient d'être surpassée. Le discours de M. Depeyre2 lu à haute voix a soulevé autant de bravos dans le petit club du Bourg d'Iré que dans le grand public de Paris. C'est à tous les points de vue un chef-d’œuvre, et j'écris par le même courrier afin qu'on m'envoie un certain nombre d'exemplaires à distribuer quand il aura paru en brochure…
Ah ! La liberté a de grands maux mais elle a de grands remèdes ; elle a de grandes amertumes, mais elle a de grandes consolations, et, mourir pour mourir, il vaut mieux tomber sur un champ de bataille de nobles armes à la main que d'être silencieusement étranglé dans le sérail de Louis XV.
Ne parlons plus d'ancien régime et de contre-révolution, puisque grâce à Dieu personne n'en parle désormais. Néanmoins veuillez dire à M. Depeyre qu'il m'a fait sentir une fois de plus combien notre siècle et notre pays sont supérieurs par plus d'un côté aux images fausses et artificielles que nous trace d'un certain passé un rabâchage puéril.
Oh ! Si nous voulions nous donner tout entier à notre siècle, à notre pays, que de beaux jours nous devrions encore à la puissance de la parole, mise au service de la conscience et de la justice.
En attendant, cher ami, dites bien à votre éloquent compatriote que je ne me borne pas à l'applaudir et que mon vieux cœur tout réjoui lui adresse la reconnaissance la plus émue.
Ne m'oubliez pas pour cela rue de Lille.
Alfred