CECI n'est pas EXECUTE 3 mars 1873

1873 |

3 mars 1873

Louis-Jules Trochu à Alfred de Falloux

Tours, 3 mars 1873

Mon cher comte,

Comme les choses diffèrent selon le point de vue d'où on les aperçoit !

Vos deux livres sur Madame Swetchine lus au milieu des agitations du monde et de la bataille de la vie publique, offre un intérêt touchant.

Lus dans la profonde retraite où je suis pour toujours, ils saisissent l'esprit, pénètrent l'âme et transportent le lecteur tout doucement, sans aucun travail fatigant pour lui, dans les réalités de la jeunesse, de la maturité, de la vieillesse et de la fin chrétienne. S'il a mon âge surtout s'il est dans ma situation, il ne peut plus s'approprier le bénéfice des enseignements contenus dans les deux premières périodes. Mais les deux dernières sont justement sa leçon, et j'ai la tête et le cœur remplis de vieillir et de mourir comme Madame Swetchine.

Prenez garde que je n'ai perdu l'espoir qui serait une orgueilleuse prétention, d'arriver à ce degré de douceur, de résignation, de fermeté, de détachement, de foi qui sont véritablement incomparables. C'est à y tendre sans y prétendre, que je pense.

Ainsi ces livres, qui consacrent très légitimement la mémoire d'une femme de vertu supérieure, et pour vous d'une excellente amie, sont tout un enseignement de vie chrétienne, bien plus puissant à mon avis, que les livres qu'on fait exprès pour cela, même quand ils ont la valeur des élévations de Bossuet et de toutes autres très belle pages. Il ne persuadent jamais autant, que le récit simplement et sincèrement fait, d'une carrière pleine d'une grandeur singulière et originale, où se rencontre une conversion très spontanée mais disputée, et où figurent dans des lettres d'un vif intérêt, les plus hautes personnalités du temps.

Vous avez par là, mon cher comte, en vous donnant à vous-même des jouissances de cœur très élevées et très dignes de vous, bien servi la religion, la morale, le devoir, enfin tous les éléments de l'enseignement que nous voudrions voir se répandre dans les familles françaises. Vous ne pouviez donner aux travaux d'une retraite dont nous déplorons la cause et les effets, un plus haut but et une direction plus profitable aux grands intérêts qui sont en péril dans notre pays.

Votre ami.

Gl Trochu


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 mars 1873», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1873, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 30/04/2013