Année 1858 |
4 décembre 1858
Alfred de Falloux à Marie de Falloux
4 décembre [1858]1
Chère Marie,
Vos dernières lettres ont toutes un fond de tristesse qui me fait beaucoup penser à l'état de votre père et à tout ce qui en résulte de chagrin autour de lui. Je veux donc vous rappeler que je vous avais, dès cet automne, proposé de passer l'hiver tout entier à , si vous ne jugiez pas la santé de Loyde un obstacle incontournable. Réfléchissez-y encore, chère Marie, à ce seul point de vue, pour moi, partout où je vous retrouverai, je ne ferai nulle différence entre un lieu et un autre. Le climat ne sera pas désormais beaucoup plus dur qu'il ne l'aura été en décembre. Vous pouvez donc juger déjà, comment Loyde le supporte ; comment ses promenades, ses exercices nécessaires s'y font leurs petites places ; les conseils de M. Briand2 inspirent confiance et semblent désintéressés. Quant à moi, du côté de la santé, vous n'avez à vous préoccuper en aucune sorte ; le climat m'est déjà connu et vous pouvez vous rappeler quel parti je tirais du potager si bien abrité. La moitié de l'Isère sera déjà passée quand je vous arriverai. Si vous prenez cette résolution, à laquelle je vous engage de tout mon cœur, je ne prendrai que le temps de traverser le Bourg d'Iré pour y prendre les papiers de Mme Swetchine, m'entendre avec M. Manceau3 et je vous arriverai dans la première quinzaine de janvier au lieu du dernier jour de décembre, car la nouvelle de la grâce4 faite à M. de Montalembert, me rend toute liberté d'être rendu au Bourg d'Iré pour Noël. Jules5 fait tous ses préparatifs pour me conduire lui-même à Toulouse. Nous partons demain après la messe, avec lui et Albert6, qui ne quitterons Toulouse qu'avec nous, mais pour rentrer à sauvetage Sauveterre7 tandis que je continuerai sur Sorèze8. L'évêque de Carcassonne9 est revenu. Il assistait avant-hier à Toulouse au sacre de l'évêque de Pamiers10. Carcassonne sera donc ma première station en sortant de Sorèze, vraisemblablement, car je n'ai pas encore donné signe de vie à l'évêque, restant toujours sur vos nouvelles du chemin de fer de Tours. L'adresse de Sorèze est simplement Sorèze (Tarn). Il n'y a vraiment que ce lieu-là qui puisse me faire battre le cœur entre tout ce que je vais laisser ici d'incomparables amitiés, et tout ce qui m'attire si violemment vers vous chère Marie. Je vous embrasse toutes trois bien des fois.
Alfred
Avez-vous enfin reçu le Correspondant et n'avez-vous pas oublié de brûler le nom mystérieux. Je reviens sur ce dernier point et je vous conterai de vive voix le motif de mon insistance. Je reçois le Journal de Rennes11, et j'en suis charmé.