CECI n'est pas EXECUTE 26 janvier 1857

Année 1857 |

26 janvier 1857

Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux

Lundi 26 janvier 1855

Mon ami, j'ai lu avec grand intérêt, un vrai plaisir, et une sérieuse attention le manuscrit que vous m'avez confié, recevez en mes compliments. Vous avez habilement et noblement traversé quelques difficultés de votre sujet et c'est avec beaucoup de délicatesse que vous avez maintenu l'honneur de vos propres convictions. Sans verser de blâme ou élever des reproches sur des résolutions qui lui étaient contraires. Quand vous parlez de l'amour de la patrie qui a inspiré votre devancier, je voudrais que ce sentiment un peu vague et invoqué par trop de gens pour excuser leur conduite, fut mieux caractérisé et n'eut pas l'air de généralité qu'il a en beaucoup d'occasions. Il me semble qu'il pourrait être particularisé dans la personne de M. Molé qui, pénétré de l'esprit de sagesse et fidèle à leurs traditions, avait à ses propres yeux l'importance et la haute liberté d'action de ces anciens magistrats, lecteurs persévérants de la chose publique, indépendant de la royauté et du peuple à travers les agitations civiles et les révolutions qui troublaient et menaçaient de renverser l'ordre de l'état et l'existence nationale.

Je n'ai d'ailleurs que quelques observations de détail à vous transmettre.

Page 15 il pourrait y avoir équivoque sur le sens de cette phrase : l'heure des adversités a hâté l'heure de la justice. Ces derniers mots n'indiquent pas assez le moment où l'opinion publique a été plus équitable, on pourrait comprendre que l'heure des adversités a été l'heure même de la question.

Page 16 : subir les obstacles comme des entraves, ne rend pas assez exactement votre pensée.

Page 18 : en parlant de l'Espagne : il avait cru aux difficultés de l'entreprise plus qu'à son propre succès, n'y a-t-il la une faute de copiste, pourquoi ne pas rayer le mot propre.

Page 19 : le mot de délibération nationale ne convient pas à l'avènement de 1830 et à la manière dont vous en parlez. Vous employez avec plus de justesse cette même expression à la page 31. 1830 fut une grande crise nationale mais le vote des 250 députés plus ou moins, ne fut pas une délibération nationale.

Page 20 : Je désirerais que la phrase fut ainsi corrigée : « cela pouvait être vrai dans l'intention et les espérances des hommes qui le proclamaient alors, mais cela ne l'était point, je dirai même cela ne devait pas l'être dans les événements » effacez était vrai et j'oserai dire parlez plus ferme.

Il faut ménager les susceptibilités de toutes parts en parlant de Casimir Périer1 je me bornerais à dire qu'il fut l'énergique personnification de la résistance. J'effacerais à l'éternel honneur de son nom, et le mot loyale. Peut-être trouverez vous mieux de dire : dont il eût l'honneur d'être l'énergique personnification.

A la même page ne dites pas qu'il laissa un glorieux legs la suite des événements n'y a point attaché de gloire, il est plus juste de dire que ce legs était périlleux.  

En parlant de la chambre composée des mêmes éléments et dans les mêmes proportions, les mots sa majorité, son président se succèdent mal.

A la même page ne dites pas le pays loyalement consulté ; la guerre à outrance qui nous fut faite alors ne nous permet pas d'accorder cet éloge.

En vous lisant je regarde le cercle de vos auditeurs et je retrancherais pour quelques uns d'eux le mot encore plus coupables.

Pardonnez-moi ces querelles de mot. Le discours est excellent, rapide, vos jugements politiques sont équitables. Peut-être à la page 31 devriez caractériser un peu plus explicitement la grande pensée de réconciliation à laquelle M. Molé attachait ses dernières espérances pour sa propre gloire et pour le bonheur comme pour la sécurité du pays.

Mon ami, soignez votre santé, ne tardez pas trop à nous revenir. Votre réception ne pourra cependant avoir lieu qu'au mois de mars. Mais nous aurons d'ici là à causer sérieusement d'affaires dont je ne peux vous parler aujourd'hui.

Recevez l'assurance de ma constante et ferme amitié et dites mes respectueux hommages à Madame de Falloux.

Mille compliments encore une fois.

Berryer.   

Notes

1Casimir Périer (1777-1832), banquier et homme politique. Opposant libéral sous la Restauration, il incarna le « parti de la résistance » sous la monarchie de Juillet. Il fut président du Conseil du 13 mars 1831 à sa mort, le 16 mai 1832.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 janvier 1857», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1857, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 14/09/2013