CECI n'est pas EXECUTE 1er juillet 1861

Année 1861 |

1er juillet 1861

Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux

Augerville, 1er juillet 1861

Mon bien bon ami,

Je vous remercie de la communication que vous avez pris le soin de me donner. Il ne m'est rien venu de pareil, pas un mot ne m'a été transmis. Cette lettre du 17 juin1 m'afflige beaucoup, amis elle m'encourage à faire de nouveaux efforts, à saisir toutes les occasions qui s'offriront de faire connaître la vérité. Dans l'état présent des choses il ne s'agit ni de condamner la conduite suivie jusqu'à ce jour ni de calculer les chances de succès en marchant dans une autre direction ; bien moins encore d'obéir à un prétendu désir de rentrer dans une carrière pleine de difficultés, de fatigues pour l'intelligence et de déceptions pour le cœur. Le besoin, le devoir actuel est de ne pas méconnaître les changements survenus dans les conditions électorales et dans le régime des délibérations devenus plus publiques que jamais ; l'intérêt immense de notre cause et de ne pas donner droit de dire que ses défenseurs sont indifférents à la solution des grandes questions sur lesquelles un débat rendu sérieux est ouvert. Dire fermement qu'on est mal instruit, par les correspondances ordinaires, de la véritable situation des hommes et des choses ; répéter que si la ligne de conduite anciennement prescrite était à la fois digne, parce qu'on ne voulait ni ne devait agir comme les dupes d'un simulacre de liberté, message par ce qu'elle était réservée en face du mensonge politique, une autre attitude prise dans d'autres circonstances et sous une nouvelle législation, ne saurait être mauvaise et qu'il n'est pas dangereux de reconnaître, par un acte extérieur, l'existence d'un fait qui nous domine depuis bientôt dix ans entiers ; expliquer enfin que les motifs de conscience ne doivent pas seulement être respectés, mais qu'il importe d'en comprendre l'importance, au regard du public, et que la raison politique ne permet ni de les dédaigner, ni de laisser à d'autres l'honneur d'y obéir ; voilà mon bon ami, ce que dans ma conviction il est de notre devoir de faire et je ne manquerai pas de parler ainsi le jour où il me viendra une objection dans le sens de la lettre qui vous a été adressée. Je crois qu'il serait bon que vous vous permissiez de faire une humble mais persuasive réplique à ce qui vous est écrit2. L'occasion ne doit pas être perdue bien qu'il n'y ait peut-être pas une assez grande urgence quant à la dissolution du Corps Législatif pour qu'on soit plus disposé à entrer dans cette délibération.

Je me réjouis, mon ami de vous savoir arrivé à bon port et agréablement installé à Royat3. J'espère que ces eaux vous seront aussi bienfaisantes que je désire. Ne manquez pas à me donner des nouvelles de votre chère santé.

L'ancien collègue qui porta ma lettre à Venise lorsque déjà on était malheureusement et à notre insu parti pour Nervi4 est M. Druet des Vaux5, excellent ami bien aimé de Corcelle et de vous je n'en doute pas.

Au revoir, mon bien cher, je vous embrasse de tout cœur.

Berryer

Notes

1Le 3 juin 1861, Falloux avait adressé au comte de Chambord une longue lettre pour tenter de le convaincre de revenir sur sa consigne d'abstention électorale. En vain, le 17 juin, le comte de Chambord lui répondait qu'il entendait bien maintenir sa ligne de conduite. Voir ces lettres dans Mémoires d'un royaliste, Paris, Perrin, 1926, t. 3, p. 113 et ss.  
2Le 3 juin 1861, Falloux avait adressé au comte de Chambord une longue lettre pour tenter de le convaincre de revenir sur sa consigne d'abstention électorale. En vain, le 17 juin, le comte de Chambord lui répondait qu'il entendait bien maintenir sa ligne de conduite. Voir ces lettres dans Mémoires d'un royaliste, Paris, Perrin, 1926, t. 3, p. 113 et ss.  
3Falloux effectuait un séjour à Royat (Puy-de-Dôme), où les eaux de cette station thermale semblaient susceptibles d'atténuer sinon de résoudre ses crises névralgiques.
4Petite ville italienne, sur la côte de Ligurie, près de Gênes où séjourna à plusieurs reprises la reine Marie-Amélie, veuve de Louis-Philippe.
5Druet des Vaux, Jacques Louis Mathieu (1793-1868), militaire et homme politique. Garde d'honneur de Napoléon Ier en 1813, il fut sous inspecteur des Forêts de l'Orne sous la Restauration. Conseiller général d'Alençon sous la Monarchie de Juillet, il avait été élu par le département de l'Orne à l'Assemblée constitutionnelle en 1848 et réélu à la Législative en 1849 où il vota avec la majorité monarchique.  

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1er juillet 1861», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1861, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 06/10/2013