CECI n'est pas EXECUTE 20 octobre 1854

Année 1854 |

20 octobre 1854

Narcisse-Achille de Salandy à Alfred de Falloux

Graveron par La Commanderie (Eure)1, 20 octobre 1854

Mon cher comte, votre accident2, si effrayant de loin, et qui, en effet, pouvait être si funeste m'avait inspiré, comme vous le croyez bien, une vive appréhension. J'avais puisé à diverses sources amies des informations plus sures que celles des journaux, quand j'ai dû, à votre bonne amitié les meilleures de toutes. Nous sommes restés chez moi bien occupés de de la rude épreuve par laquelle Madame de Falloux a passé à la nouvelle de la catastrophe et du mal que cette secousse a pu lui faire. Nous souhaitons bien vivement qu'elle ait été aussitôt remise que vous de votre danger, ainsi que Mademoiselle votre fille dont le cœur et l'esprit précoces sont assez avancés pour avoir partagé touts ces <deux mots illisibles> impressions. Vos amis ont tant à se féliciter du dénouement qu'ils espèrent que le souvenir de toutes les marques d'affection que vous aurez reçues, est l'unique trace qui reste du triste événement. Au même moment et je crois le même jour, un accident d'exactement même nature à une voiture vide qui allait chercher ma fille et qui nous a coûté les deux chevaux, nous a tant fait trembler pour nos enfants qui n'y étaient pas que nous comprenons tout ce qu'a senti votre famille pour vous qui y étiez si cruellement. Mais en même temps nous avons éprouvé qu'au <deux mots illisibles> lieu de tout le mal qui n'arrive pas, et nous avons eu lieu de le faire. Car les malheureux chevaux, emportés pendant une demie lieue avant de se briser et les <mot illisible>, dans la grande avenue et à la principale entrée d'Evreux n'ont frappé personne et le cocher est sorti de là sain et sauf. Nous en avons été quitte pour la plaie d'argent qui n'est pas mortelle dit-on, même quand on est obligé de <mot illisible> trouver sensible.

Je suis bien charmé d'apprendre que vous avez pu reprendre sur le champ votre travail. Vous savez combien je jouis à l'avance de votre cause et de votre succès.

Je n'ai pas besoin de vous dire que vous n'aurez pas de lecteur plus heureux que moi de cette bonne fortune. Si vous m'y autorisez bien expressément, j'irai avec bien de l'empressement la chercher par avance prés [de] madame et près de vous. Je ferais le voyage à beaucoup moins.

Vous savez qu'on regarde comme certain que l'Allemagne a compté une conférence de plus. Celle de Vienne a échoué. Celle d'Olmütz3 a porté, je crois, plus de fruits qu'on ne suppose. Je suis très convaincu que la neutralité de la Prusse et de répondrait dans le l'Autriche est subordonnée au rôle que nous prendrons dans la [mot illisible] qu'une triple alliance répondrait dans le nord à celle de l'occident et du midi.  Je ne sais si la guerre éclatera. Mais si elle éclate, elle ne sera pas circonscrite comme on l'imagine. Les réfugiés, les révolutionnaires et tous leurs alliés de tout <mot illisible> feront si bien qu'elle sera promptement propagée. Ce que nous voyons semble l'agonie de la paix de 1814 et des œuvres du Congrès de Vienne. Seulement, quelle main et quel esprit présideront à la reconstruction ? Quelles seront les bases ? Je crois voir une des grandes crises du monde. J'ai toujours pensé que l'Empire c'était la guerre et à très courte échéance. Je souhaite que l’événement ne réalise qu'une part de mes pronostics.

Adieu. Soignez votre santé pour votre pays et pour votre gloire. Pour l'un et l'autre travaillez. Revenez sur le passé sans trop nous distraire du présent, et en pensant à la chose publique beaucoup, pensez quelquefois aux amis qui vous entourent de leurs vœux et de leurs espérances. Je suis bien véritablement du nombre.

Salvandy

Notes

1Propriété du comte de Salvandy, le château de Graveron est situé dans la commune de Sainte-Colombe La Commanderie, dans l'Eure.
2Falloux avait eu un accident de diligence qui s'était avéré avoir été sans gravité.
3La Prusse ayant tenté de regrouper les États allemands sous son autorité dans le cadre d'une Petite Allemagne qui excluait de fait l'Autriche, l'Empereur François-Joseph convoqua une conférence inter-allemande à Olmütz en territoire autrichien.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «20 octobre 1854», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1854, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/10/2013