CECI n'est pas EXECUTE 8 octobre 1851

Année 1851 |

8 octobre 1851

Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux

8 octobre 1851

Mon ami, je n'ai pu vous répondre à Nice1,  c'est en rentrant ici lundi dernier que j'ai reçu votre lettre du 29 septembre. J'attends impatiemment le moment où nous pourrons causer avec quelque loisir des affaires générales. Il ne me sera guère possible de sortir d'ici avant le 18 et je voudrais que nous nous fussions concertés avant de nous trouver ensemble à Champlâtreux ou Monsieur le duc de Noailles restera jusqu'aux 25. Je m'y suis annoncé pour le 20, et nous pourrons nous être vus à Paris, si, mieux encore, nous ne nous réunissons pas à Augerville.

N'ayant reçu aucune nouvelle de ce qui s'est passé dans les conférences de la fin de septembre vous êtes presque suffisamment avisés. Cependant je crois que le duc de L[évis]2 en partant avec quelque défiance sur la justesse de vue de ses intimes, il est mieux que je ne l'aie ni devancé, ni accompagné. Il ne souhaitait pas beaucoup que nous nous trouvions ensemble en Allemagne et pour rien au monde, je n'aurais consenti à aller sans lui provoquer des résolutions qui n'eussent été prises qu'ad referendum. C'est entre nous qu'elles doivent être arrêtées. Ailleurs, on ne sortirait pas de la double terreur de <deux mots illisibles> pour attaquer la politique du ni l'un ni l'autre, je n'ai eu d'autre ressource que de déclarer qu'elle était excellente et qu'il fallait la pratiquer résolument. Qu'ainsi nous ne pourrions accorder ni laissait espérer nos suffrages à qui ne se prononcerait pas également et contre l'un et contre l'autre. J'ajoutai que j'étais prêt à prendre tout engagement envers le candidat désiré par eux. Si celui-ci l'obligeait à se déclarer et se déclarait en effet aussi nettement, aussi publiquement contre le Prince de Joinville3 que contre le prince Bonaparte. M. le duc de L[évis] , qu'il en parlerait lui-même, et qu'il était surtout désirable que Monsieur de Saint-Pr[iest] eût à cet égard une réponse catégorique. Celui-ci a dit avec empressement qu'il la demanderait et qu'elle lui serait donnée. On était donc bien convenu que préalablement on suspendrait toute polémique jusqu'à ce que cette réponse fut venue, je fis aisément comprendre qu'il faudrait encore attendre que l'effet eut suivi les paroles. Le duc est parti dans cet état des choses. La conversation a eu lieu, la réponse a été ce que je savais d'avance et c'est dans ces derniers jours qu'on a essayé de dire que le tension du vote serait une suffisante garantie. Je ne crois pas que cette échappatoire ridicule ait grand succès en Allemagne. Je vois avec plaisir dans un article de la Gazette du Bas Languedoc reproduit par l'Union d'hier que cet expédient de l'Opinion publique n'est pas goûté par nos amis du Midi. La Guienne sous la date du 1er octobre l'exprimait aussi fort bien sur toutes ces pauvretés.

D'un autre côté on parle assez de quelque entreprise tentée avant le 4 novembre4, je ne crains rien de pareil ; mais je dis volontiers avec M. Molé : pourvu que la loi du 31 mai demeure et que la proposition Creton5 soit rejetée, il ne faut pas prendre trop de soin des événements.

Si, comme je le crois, la tribune est librement <mot illisible> nous emporterons à notre suite les tâtonneurs et même les défiants.  Ah ! qu'il va mettre bon, mon ami de causer avec vous ! Et qu'il est nécessaire de me sentir assuré par votre bon esprit. Au revoir donc, à bientôt. Je respecte votre repos avec toute la tendresse d'une amitié sincère, mais je voudrais bien vous attirer et vous garder deux ou trois jours à Augerville.

À vous de tout cœur.

Berryer

Notes

1Falloux séjournait alors à Nice avec son épouse et leur fille, Loyde dont la santé fragile nécessite un climat plus favorable que celui de l'ouest.
2Lévis Gaston François, duc de Lévis et de Ventadour (1794-1863), homme politique. Fidèle serviteur du comte de Chambord, il faisait office de ministre de la maison du roi.
3Joinville François de (1818-1900), 3ème fils du roi Louis-Philippe d'Orléans, militaire et homme politique. Admis à l’École navale de Brest (1834), il devint lieutenant puis capitaine de vaisseau. Atteint de surdité en 1848, il vécut dans la retraite. Élu député de la Haute-Marne en 1871, il siégea au centre droit mais intervint très peu à la Chambre. Il se prononça pour le Septennat mais s'abstint sur les lois constitutionnelles. Il ne se représenta pas après 1876.
4Jour d'ouverture de l'Assemblée nationale.
5La proposition de Nicolas Creton, député orléaniste ardent demandait que soient abrogées les lois de bannissement contre les membres des ex-familles royales. Elle fut ajournée au 1er mars 1851 puis définitivement rejetée.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «8 octobre 1851», correspondance-falloux [En ligne], Seconde République, Années 1848-1851, Année 1851, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 08/10/2013