CECI n'est pas EXECUTE 10 août 1848

Année 1848 |

10 août 1848

Alfred de Falloux à Marie de Falloux

Paris, 10 août 1848

Mon cher amour, dites à maman combien je suis soulagé de la savoir rendue à bon port et au milieu de vous tous qui allez si bien la soigner et lui abréger le temps de mon absence que du reste, j'espère de plus en plus voir bientôt toucher à son terme. J'ai pris hier à part M. Marrast1 pour lui demander positivement combien de temps il croyait encore nous garder. Il m'a répondu qu'il me garantissait que notre session finirait avant la fin de septembre. Dés que la constitution sera présentée on supprimera les <illisible> et comités et on nous mettra au régime de deux séances par jour. Cela ne sera pas plus fatigant et avancera beaucoup la besogne. Avant midi le budget. Après midi la constitution. Marrast croit que nous réexaminerons ce régime au 20 août et que cela durera à peine un mois une fois ainsi envoyé.

Nos séances et nos rues sont plus laides de loin que de près. Paris est extrêmement calme : la montagne fait d'autant plus de bruit qu'elle se sent je l'espère, moins en état de faire du mal. Le complot contre Thiers était tout individuel, ce qui n'en est pas mieux, mais ne peut être du moins considéré comme une menace générale ce qui deviendrait d'une exécution impossible. Du reste la police était avertie et avait passé ses avis à M. Thiers. M. Ernoult2 est nommé sous-préfet dans les Ardennes comme on me l'avait promis ; c'est un M. Tavernier3 qui est nommé à Segré. Je n'ai pu trouver encore personne qui m'en dit ni bien ni mal. Je vous enverrai l'oraison de mon cœur aussitôt qu'elle sera imprimée. J'ai eu hier la visite de l'abbé de Lehen4 qui repart tout de suite pour Rennes et auquel j'ai donné beaucoup de petits confidences pour M. de Séré5. Dites bien à votre Père combien je suis désolé de le savoir si souffrant. Mille tendresses à Biquette. Dés que ma lithographie sera finie, je lui en enverrai une pour elle toute seule à mettre dans sa chambre jusqu'à ce que j'arrive.

Au revoir, au revoir, mon cher amour.

Alfred

Notes

1Marrast, Armand Marie, François, Pascal (1801-1852). Professeur, journaliste et homme politique. Rédacteur littéraire à la Tribune sous la Monarchie de Juillet, puis directeur du National, il fut membre du gouvernement provisoire au lendemain de la révolution de février 1848 avant de se voir attribuer, le 9 mars 1848, les fonctions de maire de Paris. Élu, le 23 avril 1848, à l'Assemblée constituante, il fut membre et rapporteur du comité de Constitution. Le 12 juillet 1848, la majorité de l'Assemblée l'appelle à la présidence, ce qui lui donne le pouvoir, notamment, de fixer les vacances de l'Assemblée. Ayant prononcé la clôture de la session de l'Assemblée constituante (28 mai 1849), il installera le bureau provisoire de la Législative, dans les rangs de laquelle il ne sera néanmoins pas appelé à siéger.
2Ernoult, Charles (?-?) sera nommé sous-préfet de Vouviers, dans les Ardennes, poste qu'il occupera jusqu'en 1861.
3Tavernier, Étienne (1822-?), entré dans l'administration au moment de la révolution de 1848 comme sous-commissaire, il est nommé sous-préfet de Segré le 9 août 1848, poste qu'il occupera jusqu'au 11 novembre 1848. Réintégré en 1870, il deviendra secrétaire général des Alpes-Maritimes, puis d'Indre-et-Loire. Le 2 février 1871, il sera  nommé préfet le 14 avril 1871.
4Abbé de Léhen (?-1868), vicaire de Saint-Malo puis chanoine de la cathédrale de Rennes jusqu'en 1859, il avait été un proche de Lamennais.
5Séré, Henri Marie de (1808-1878), homme politique. Propriétaire légitimiste d'Ille-et-Vilaine, il avait été élu à l'Assemblée législative du 13 mai 1849. Il rentra dans la vie privée après le coup d'état.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 août 1848», correspondance-falloux [En ligne], Années 1848-1851, Seconde République, Année 1848, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 18/11/2013