Année 1848 |
20 juin 1848
Alfred de Falloux à Marie de Falloux
Paris, 20 juin 1848
Mon amour chéri, je commence par vous dire de la part de Mme Swetchine : que la République a été inventée pour moi, qu'elle n'a encore réussi qu'à moi ma bonne renommée et ma bonne mine comprises. Je vous cite fidèlement ce texte à cause des deux mots soulignés qui vous prouveront que vous ne devez pas vous alarmer des commissions prolongées jusqu'à minuit. Il est certain que je suis étonné moi-même du succès des bons soins que je m'applique pour compenser les petits dérangements d'heure ou de sommeil que me cause quelquefois l'urgence de l'ordre du jour. Ainsi immédiatement après avoir dîné hier avec Mme Swetchine, au lieu de rester avec elle, j'ai été me promener sur l'Esplanade des Invalides avant de rentrer à la commission. Je ne saurai que tantôt si je suis nommé rapporteur. Dans ce cas, je pourrai sans fatigue présenter le rapport dés demain à l'assemblée qui en attend un avec une extrême impatience, parce que mes idées sont très arrêtées. M. Fontaine l'écrirait tantôt sans que j'eusse à tenir la plume un instant après mon dîner. Vous voyez que j'ai repris M. Fontaine1 : il m'était devenu impossible de m'en passer, à cause de la multitude de gens qui ont tous le moyen de sauver l'industrie, qui me l'écrivent tous, et auxquels il faut répondre que j'en suis bien reconnaissant, mais que c'est le gouv[ernemen]t qui est chargé des mesures d'exécution et non moi.
Les Grandville vous envoient de bons souvenirs. M. de Grandville2 a l'air de s'amuser. M. de Tinguy3 n'est pas amusant ! M. Goudechaux4 nous a dit dans le huis clos de la commission que leur gouvernement provisoire était organisé chez lui dés le 22 février, que Louis Blanc en était exclu, et que c'était par surprise qu'on l'y avait introduit le 24, qu'aujourd'hui ceux qui ne défendaient plus sa personne défendaient encore une partie de son œuvre, que lui Goudechaux ne cesserait de les combattre et il a fort clairement désigné deux noms de la commission exécutive qu'on est si étonné de trouver toujours désormais accouplés ensemble !
Je vous quitte pour aller à la messe, mon amour chéri, et écrire avant à M. Bertry pour prendre des dispositions nécessaires afin que Frédéric5 n'attende pas son argent.
Mille millions de tendresses.
Alfred