CECI n'est pas EXECUTE 15 février 1870

Année 1870 |

15 février 1870

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Bourg d'Iré, 15 février 1870

Chère Madame,

Je supprime toutes mes excuses puisque vous connaissez mon excuse et j'arrive tout de suite au charmant tableau que vous nous tracez du travail commun entre Antoine [de Castellane] et Madeleine [de Castellane]1. Nous en avons tous été touchés, mais moi plus que tous les autres, et, aussitôt que cet enfant d'un si bon ménage sera mis au jour, (sans préjudice du Comte de Grignan2) Antoine peut compter sur mon examen le plus attentif et sur ma réponse la plus rapide entre deux crises.

Marie va lentement mieux, Loyde bien, Champiré3 paraît hors de danger sans être encore hors d'inquiétude, Bertou est mécontent quand il se tait, mais très éloquent et très aimable quand il parle. Pour moi, je suis toujours au-dessous de rien. Mme de Rayneval4 remercie de l'envoi que vous lui avez fait de la brochure du P. Gratry et le touchant gémissement de Mme de La Redorte5 sur l'absence des principes va partir pour Berlin.

Nous n'avons encore lu de Dom Guéranger que l'extrait de l'Univers. Cette réponse du moins n'est pas d'un vide prétentieux et ridicule comme celle de M. Dechamps6 et elle prend quelques avantages personnels tirés de la précipitation du travail du P. Gratry. Toutefois ces avantages ne sont, à mon sens que secondaires, et la thèse oratorienne n'est pas le moindrement ébranlées. Elle a dit : « le bréviaire romain » Dom Guéranger répond : « il faut dire les bréviaires romains, « je dis à mon tour : soit, mais aucun bréviaire imprimé à Rome ne l'a été sans l'ombrageuse surveillance de Rome, et, quand au 17e siècle l'imprimatur est refusé aux pères du Concile, il est dérisoire de prétendre qu'il était donné au hasard durant le 16e siècle. Le P. Gratry a dit : « la suppression a été faite sous Clément VIII », Guéranger répond : « pas du tout, elle a été faite 10 ans plus tôt, sous Pie V ». Soit, mais que font 40 ans de plus ou de moins dans une tradition de 9 ou 10 siècles ? Le P. Gratry a dit : « la suppression a été faite par un scribe » Dom Guéranger répond : « Non, elle a été faite par 5, dont voici les noms » Soit, mais la suppression subsiste et l'argument aussi ; c'est-à-dire, que du 6e Concile au 16e siècle les papes n'avaient point songé à leur infaillibilité personnelle, que par conséquent ils ne l'opposaient point à la condamnation du concile et la confirmaient au contraire tant par leur serment d'avènement que par les bréviaires imprimés sous leurs yeux.

Voilà, chère Madame, ce que je vous engage à soutenir envers et contre tous, car je suis profondément convaincu que cela est aussi vrai et aussi inébranlable que mon attachement pour Rochecotte.

1Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; sa belle-fille, mariée le 3 avril 1866 avec son fils Antoine de Castellane.

2Les comtes de Grignan se sont apparentés à la famille de Castellane.

3Sans doute un membre de la famille de Narcé, propriétaire du château de Champiré situé à Grugé-L’Hôpital, non loin du Bourg d'Iré.

4Rayneval, Louise-Marie de (1844-?), veuve du diplomate Alphonse Marie Gérard de Rayneval (1813-1858).

5La Redorte, Louise Honorine née Suchet d'Albufera (1810-1883), épouse du comte Mathieu de La Redorte (1804-1886).

6Archevêque de Malînes, Mgr Dechamps venait de réfuter une publication de Mgr Dupanloup (Observations sur la controverse soulevée relativement à la définition de l'infaillibilité au futur concile) dans laquelle l'évêque d'Orléans exposait toutes les raisons de juger inopportune la définition de l’infaillibilité.

Victor Auguste Isidore Dechamps (1810-1883), prélat belge. Entré dans les ordres chez les Rédemptoristes, il devint évêque de Namur en 1865, puis archevêque de Malines en 1878. 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «15 février 1870», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1870,mis à jour le : 09/03/2014