1871 |
15 mai 1871
Alfred de Falloux à Jules de Bertou
15 mai 1871
Cher ami,
M. Jardry1 vous a expliqué hier mon silence ; aujourd'hui je voulais vous répondre avec quelques détails, mais je suis pris par une lettre très pressée qu'il faut expédier à Versailles pour essayer de conjurer une colossale niaiserie de la part d'un d nos amis. Ah ! Si nous n'avions que des ennemis !
Nous avons eu toutes vos émotions en lisant la lettre2 du comte de Chambord mais nous avons fait aussi les mêmes observations que Madeleine3 dans la lettre de ce matin.
Je ne trouve point le volume de Tocqueville à l'indication du catalogue. Je crois l'avoir prêté à Pontbriand, je vis le réclamer.
Vous me répondez toujours sur le côté pratique de votre amende au point de vue des campagnes mais pas au point de vue des villes qui créent la vraie difficulté. Vous ne me dites point votre chiffre ni comment un bureau éelctoral qui aura affaire à des milliers d'abstention et à des milliers d'explications pourra y suffire. Enfin, vous passez rapidement de là à la question du suffrage à deux degrés. Je ne vous avais pas indiqué cette réforme là plus qu'une autre, je vous avais dit seulement il faut remanier le suffrage universel de fond en comble. Si j'en juge par le seul contenu de vos lettres, vos réformes prinicpales seraient le vote à la commune et l'amende. Si ce n'est pas cela c'est
loin d'être assez ; si vous avez beaucoup d'autres réformes dans votre sac, dites-le, car, en outre, qu'elles intéressent fort mon patriotisme, elles sont indispensables pour juger ce que pourrait être, dans un nouveau système, le chiffre probable des abstentions et la chance de rendre l'amende efficace.
Voici Hervé qui repart et ne me laisse plus que le temps de vous embrasser.
Alfred.
1Secrétaire de Falloux.
2Il s'agit de la Lettre de M. le Comte de Chambord sur l'état présent et l'avenir de la France, lettre publiée le 8 mai 1871
3Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné, mariée le 3 avril 1866 avec le marquis Antoine de Castellane.
