CECI n'est pas EXECUTE 28 janvier 1880

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28 janvier 1880

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

28 janvier 1880

Cher ami,

Quand on passe près de quelqu'un dans la rue sans le connaître et sans le saluer, cela est toujours tenu pour désobligeant et attire souvent représailles ; c'est ce qui vous était arrivé avec moi, quand vous m'avez rencontré dans l'Union de l'Ouest. Vous lisiez : Mr de Falloux publie son travail.... ; si cette note eut été d'un étranger, on eut dit, selon la formule banale : son beau travail, son remarquable travail ; et l'absence de la moindre épithète devait déceler pour un lecteur, tel que vous, la main modeste de l'auteur lui-même. Voilà pourquoi une légère pénitence vous a été infligée.

Vous en mériteriez une autre, non pas seulement pour St Jérôme, mais pour Montesquieu, et à deux titres : vous dites d'abord que vous n'aviez pas été averti de cette trouvaille. La note de l'Union de l'Ouest disait expressément que j'avais ajouté une curieuse citation de Montesquieu. Vous me dites aussi : si l’éducation donnée à la jeunesse exerce si peu d'influence sur les idées pourquoi tenir si fort à ce qu'elle soit donnée dans un sens plutôt que dans un autre ? Cette objection était si naturelle que je n'ai pu manquer de la prévoir et que je me suis efforcé de mon mieux d'y répondre das les pages 48 et 57-58. Cette réponse, je l'ai même rappelée en citant Montesquieu, disant que, peu préoccupé de l'éducation religieuse, il dépasse ma thèse qui est celle-ci : l'éducation religieuse au collège doit être le premier souci de la famille, mais l'éducation politique ne se donne pas là ; elle se donne dans la société et quand la société, pétrie d'abus, se joue dans les scandales, elle fait d'abord des philosophes et ensuite des révolutionnaires, quels qu'aient été les instituteurs de l'enfance. La thèse est vraie ou fausse ; on peut l'adopter ou la combattre, mais on ne peut, jeune étourdi, dire qu'elle n'est pas produite avec habit, veste et culotte. Gare une troisième pénitence !

La phrase sur Henry Cochin1 n'a pas de quoi vous préoccuper. Il a toujours oublié avec une parfaite désinvolture le peu de commissions que je lui ai données. Voilà tout et cela m' fait prendre la résolution de ne pas lui en donner.

J'ai fort admiré le P. Lacordaire dans l'Union de l'Ouest, mais cela me fait regretter davantage encore que, tenant le volume de Montalembert entre les mains, vous ne l'ayez pas lu tout entier et n'en lisiez pas de temps en temps d'autres parties.

Je n'ai aucune nouvelle de Rochecotte depuis huit ou dix jours et j'ai écrit avant-hier pour en solliciter instamment.

Je garde toujours l'intention de vous embrasser (littéralement) au commencement de février, mais il faut la permission du temps !

Lise et relisez le duc de Broglie.

Alfred

 

1Henry Cochin (1854-1926), fils d'Augustin Cochin, l'ancien directeur du Correspondant et ami de Falloux, homme politique, il était spécialiste de l'histoire et de la littérature italienne de la Renaissance.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «28 janvier 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 24/12/2019