1870 |
5 octobre 1870
Arthur de Cumont à Alfred de Falloux
Mercredi soir [5 octobre 1870]1
Cher ami,
Suivant tout apparence nous allons rompre avec le Journal du Maine-et-Loire. Vous ou moi, moi ou vous, mais non pas vous et moi ; ils n'en veulent pas démordre. Je leur ai déclaré que je céderais pas ; qu'une telle exigence était une atteinte à notre honneur et que jamais je n'y souscrirais. Nous en sommes là. A l'heure où je vous écris, le comité de ces messieurs délibère, mais je n'en attends aucun résultat sensé. La passion et les rancunes l'emporteront, suivant toute assurance, sur la raison, sur la nécesssité si évidente de s'unir pour sauver la France qui périt. Mais je ne leur donnerai pas ce qui leur manque. Que faire ? Si la séparation est consommée, quelle devra être la liste de l'Union de l'Ouest ?
Autre complication. Quatrebarbes2 provoque une réunion électorale chez lui, vendredi prochain, 7 octobre à midi. Ce qui s'y débitera de sotises, de prophéties, de phrases creuses, et ce que l'on y prendra de décisions extravagantes, Dieu le sait, et je le prévois. Assurément, cher ami, c'est le cas de venir vous mettre en travers, ou jamais. Je leur suis suspect à juste titre, et seul contre tous, que voulez-vous que je devienne.
A moins d'impossibilité, c'est-à-dire de crise, je vous demande donc d'être à Angers vendredi matin, pour les deux raisons que voici : 1° Arrêter notre ligne de conduite si tout est rompu avec le Maine-et-Loire ; 2° empêcher, s'il y a moyen, Quatrebarbes de nous jeter la tête la première dans son pétrin.
Je vous embrasse tendrement.
A. C.
1La date nous est donnée par l'allusion à la formation d'une liste électorale en vue de l'élection d'una Assemblée nationale. Un décret du Ier octobre avait en effet fixé l'élection de cette assemblée au 16 octobre 1870. En définitive, le scrutin sera repoussé au mois de février 1871 compte tenue du contexte (pourparlers avec la Prusse à l'issue de la guerre).
2Quatrebarbes, Charles de (1824-1893), légitimiste ardent.
