1872 |
5 novembre 1872
Albert de Rességuier à Pauline de Castellane
5 novembre 1872*
Chère Madame,
Je me promettais la bonne fortune d'une station à Rochecotte avant de regagner Versailles. Ce matin encore, je l'écrivais à Berthe [Benoist d'Azy]1 et voilà mon cher projet renversé qui se transforme en sacrifice ! Dés mon arrivée ici en mon nom et au nom de beaucoup de nos amis, j'ai sollicité d'Alfred [de Falloux] un article politique sur la situation actuelle, pour le prochain numéro du Correspondant. L'état de sa tête ne s'y prêtait guère et ce n'est qu'avant-hier et hier qu'il a pu se mettre à l’œuvre. L'enfant est venu au monde beaucoup mieux constitué que la République conservatrice et pour se produire en public, dimanche prochain, il a du prendre le courrier avec une précipitation qui l'exposerait à beaucoup d'accidents typographiques si je n'allais pas, moi-même, surveiller les épreuves. Il vient donc d'être décidé que je partirais aujourd'hui même en même temps que cette lettre, mais hélas ! pas pour aller à vous. J'en ai un vrai chagrin, dont me console, à peine, la satisfaction d'être utile à notre ami et de m'associer à ce nouveau service qu'il va essayer de rendre au pays qu'il avertit à l'assemblée qu'il conseille et à M. Thiers auquel il dit la vérité2.
Je n'insiste pas sur des regrets trop vifs et trop profonds pour que vous puissiez en douter et je vous prie, chère Madame, de les agréer avec les hommages d'un cœur qui vous est tout à vous.
Je remercie Bertou de sa bonne lettre à laquelle je répondrais très tôt. Veuillez être mon interprète auprès de votre jeunesse toujours si gracieuse et si bienveillante pour moi !
P.S. Alfred [de Falloux] est dans son lit avec une effroyable crise résultat de l'article et de 3 jours de Paulinia3. Le paquet de Bertou et vos lettres viennent d'arriver. Il a pu à peine en entendre la lecture. Je crois qu'il n'a jamais songé à répondre à Veuillot4 et vous pouvez être bien tranquille à cet égard.
*Archives départementales de Maine-et-Loire
1Berthe Benoist d'Azy (1850-1899), fille cadette d'A. de Rességuier.
2Sans doute s'agit-il de son article « Le scepticisme politique » publié dans Discours et mélanges, t.II, p. 345-362, article que Ch. Lacombe, tout en le considérant « très beau » jugé quelque peu inopportun. Voir Journal politique de Ch. Lacombe, t.I, p.127.
3Médicament destiné à traiter les crises névralgiques récurrentes dont souffre Falloux.
4Il s'agit peut-être de l'article de Louis Veuillot paru dans L'Univers du 27 octobre dans lequel le polémiste répondait de façon très calomnieuse à Charles Loyson.
