CECI n'est pas EXECUTE 28 août 1856

Année 1856 |

28 août 1856

Alfred de Falloux à Barthélémy Pocquet

Bourg d'Iré, 28 août 1856*

Je souhaite sincèrement que le débat dont je suis l'objet finisse, non pour moi personnellement qui, en toute vérité, n'en suis pas le moindrement ému mais pour notre cause qui n'a pas besoin de cette déperdition de force. Un de mes amis de Paris écrit « Triste coterie qui n'a plus d'autres ressources que de faire parler un mort et écrire un fou ! ». C'est un mot que je vous livre pour tout usage que vous en voudrez faire, car il résume merveilleusement la situation. Mais ce mort était un des agents de M. le comte de Chambord. Ce fou n'a pas encore été enfermé à Charenton par l'Union dont le principal propriétaire est M. le duc des Cars1. Voilà le côté grave et très grave ! Moins le public s'en apercevra, mieux cela voudra. D'autre part le silence absolu ne ferait-il pas illusion à quelques meneurs haut placés ? Voilà ce que je ne me permets nullement de résoudre. Je me borne à souhaiter passionnément qu'en mon nom et mon dévouement inviolable ne tourne pas pour le public en accusation contre notre principe ou notre cause. Si donc, au centre où vous vous trouvez placé, vous jugez opportun de tenir tête à l'audace de la Gazette [de France], je souhaite, aujourd'hui plus que jamais que cette lutte ait lieu sur les idées, sur les faits généraux et me mette complètement à l'écart. Le dernier numéro du Journal de Rennes fait justice d'une façon éclatante et beaucoup trop bienveillante pour moi, de la calomnie. Il ne peut plus avoir rien à ajouter sur le chapitre. Il n'y a donc plus que le champ de deux politiques contradictoires en tous points qui reste ouvert2. Celui-là il ne m'appartient pas de le fermer à des champions tels que vous. J'ignore ce que disent depuis quinze jours le journal de Muller3 et celui de M. de la Rochette4. C'est un élément considérable de délibération qui me manque. Permettez-moi donc de m'en rapporter, avant tout, à vous et à vos amis toujours si parfaitement éclairés et inspirés. Permettez-moi surtout de vous offrir l'hommage et la reconnaissance la plus sincère, la plus chaleureuse et tous les sentiments de la plus haute considération.

P.-S. - Je demande toujours en grâce le silence absolu sur le drapeau5.

 

*Lettre publiée in B. A. Pocquet du Haut-Jussé, Correspondance politique de Barthélémy Pocquet, rédacteur du « Journal de Rennes » 1848-1878, Librairie Kliencksieck, Paris, 1976, p. 29.

 

1Amédée François Régis de Pérusse, duc des Cars ou d'Escars (1790-1868), militaire, il participa à l'expédition d'Espagne en 1823 et à la conquête de l'Algérie en 1830; Pair de France en 1825, il était un légitimiste ardent.

2Falloux comme son ami A. Berryer est hostile à la consigne d'abstention que le Comte de Chambord entend faire observer aux légitimistes.

3Müller, Charles-François-Xavier (1823-1898). Après des débuts comme journaliste à Strasbourg dans le journal L'Alsace, il collabora à la Gazette de France et à La Nation avant de prendre la direction du journal La Mayenne en 1844 et de fonder, en 1846, L'Indépendant. Ardent légitimiste, il est aussi un polémiste véhément au service du comte de Chambord. Quelques années plus tard, en 1865, il fonde La Liberté puis, en novembre 1871, L’Étoile, le journal légitimiste et ultramontain d'Angers afin de contrer les idées fusionnistes de L'Union de l'Ouest.

4Légitimiste, fidèle inconditionnel du comte de Chambord, Emerand de la Rochette (1803-1880) n'a de cesse d'attaquer les idées de Berryer en faveur de la « fusion »et adoptera la même attitude à l'encontre de Falloux et de ses amis. Publiciste, il est le fondateur et le directeur de L'espérance du peuple (1852-1876), organe des légitimistes de Loire-Atlantique.

5Le comte de Chambord avec lequel Falloux est en profond désaccord refusait toute idée de restauration qui ne s'accompagnerait pas du rétablissement du drapeau blanc.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «28 août 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1856,mis à jour le : 25/03/2016