CECI n'est pas EXECUTE 23 septembre 1872

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23 septembre 1872

Alfred de Falloux à Barthélémy Pocquet

[En Touraine], 23 septembre 1872

Le Journal de Rennes du 19 septembre est venu aujourd'hui seulement me rejoindre en Touraine1 où mon frère2 m'avait donné rendez-vous. Je suis toujours extrêmement sensible à tout ce qui vient de vous et de vos amis et j'ai été d'autant plus touché de votre extrême bienveillance, de votre accueil pour le petit discours de Segré3 que, je puis vous l'affirmer en toute sincérité, je ne le croyais pas destiné au succès qu'on a bien voulu lui faire. Cela me confirme dans la pensée que notre pays serait moins rebelle à la vérité si on la lui faisait entendre plus souvent, reproche que j'adresse non à la presse mais à la tribune. La Bretagne possède en ce moment ses députés, qu'elle les presse donc de préparer une vigoureuse campagne pour le retour de l'hiver. Car cette session est évidemment la dernière où nous puissions encore faire acte de majorité et d'autorité. Ne nous contentons plus de parler vaguement d'union en sous-entendant qu'une seule volonté absorbera toutes les autres, sans réserve et sans discussion possible. Cette manière d'entendre l'union rappelle ces hommes qui, selon l'Évangile, disent toujours, « Paix, Paix »! et ne l'ont point dans le cœur. Ceux qui professent ainsi l'union tiennent assurément un bon langage mais leur conduite le dément, et par conséquent, le détruire. Ceux-là auront donc une grande part de responsabilité dans la catastrophe finale qui attend la France, si le salut n'est pas prochain.

Je sais bien aussi que nous avons des amis que le mot catastrophe n'effraie pas ; mais là encore, je me permets de déplorer leur erreur. Toute perturbation nouvelle conduira de plus en plus bas vers la démagogie et la démagogie nous ramènera infailliblement l'invasion qui, cette fois, sera la destruction définitive. Nous n'allons ni en Amérique, comme le croient les républicains chimériques, nous ne retournons pas à 87, comme s'en flattent des royalistes non moins abusés : nous allons tout droit en Pologne et ce que la géographie ne permettra pas de donner à l'Italie, à l'Allemagne et à la Belgique sera livré à n'importe qui excepté à un Bourbon qui, du reste, ne pourrait même pas l'accepter dans de telles conditions ; je voudrais me tromper dans d'aussi douloureux pronostics. Malheureusement les symptômes m'en paraissent bien manifestes et jamais courage n'aura été mieux employé que le vôtre et celui de vos très dignes collaborateur si vous parvenez à éclairer et à armer le pays sans le décourager.

Falloux

1Falloux séjourne alors chez son amie Pauline de Castellane.

3Dans ce discours politique prononcé au comice agricole de Segré, Falloux avait vivement critiqué les prise de position de Thiers en faveur d'une « république conservatrice » jugée totalement illusoire à ses yeux.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «23 septembre 1872», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1872,mis à jour le : 02/02/2015