1872 |
22 août 1872
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
Caradeuc, 22 août 1872*
Chère Madame,
J'ai passé la journée d'hier dans mon lit, où m'a trouvé une bonne lettre de Bertou dont je vous prie de le remercier ; je vois que toute les restaurations marchent bien, excepté les restaurations politiques et c'est du moins une consolation qui aide à prendre patience. Cependant, je demande toujours des détails pour ce qui vous concerne, et Monsieur l'abbé Couvreux, à qui je demande de ne prendre aucune peine pour répondre à ma lettre renvoyée d'Orléans, tant qu'il n'aura pas repris pleine possession, de ses forces. Qui peut le comprendre et le plaindre mieux que moi ? Nous n'avons aucun contre ordre de mon frère1 ; nous comptons donc sur lui après demain, à Montauban, par le train de midi, sans savoir aucunement où il aura pris son repos entre Marseille et Caradeuc. Mon plan personnel, si le sien n'y fait pas obstacle, est de me tenir ici près de lui jusqu'au moment où je serai appelé à Rennes par le concours régional, c'est-à-dire le 4 ou 5 septembre, de me rendre ensuite de Rennes au Bourg d'Iré pour le comice agricole, fixée aux 11, et dont le vice-président, M. de Madden, qui me suppliait en cas d'absence, vient de mourir2. Je crois que mes femmes seront bien aises de ne pas quitter Caradeuc aussi vite, Marie continuant à souffrir cruellement de ses rhumatismes. Je proposerais donc à mon frère de me rendre à Rochecotte après le comice de Segré, c'est-à-dire du 12 aux 15, et de l'y attendre par Le Mans et Tours. Une fois réunis sous votre cher toit, nous rentrerions ensuite, lui et moi, au Bourg d'Iré, où ces dames seraient arrivées par la voie la plus courte de Rennes à Pouancé3. Ce sera une amère privation pour elles de ne pas passer tout d'abord par Rochecotte, mais je ne crois pas qu'on puisse l'obtenir de leur santé, il est un obstacle vraiment sérieux. Cette date du 12 au 20 septembre me paraît la dernière où j'ai chance de revoir les Radziwill4 et j'y tiens par-dessus tout. Revoir Georges sur ses jambes serait à soi seule une fête qu'on ne se refuse qu'à la dernière extrémité. Je ferai tout de suite ma proposition à mon frère, en la subordonnant, bien entendu, à votre acceptation, pour le cas où vous auriez, vers cette date, des difficultés de votre côté. Je demande à Dieu bien ardemment que ces difficultés ne viennent pas de votre santé, et, par conséquent de votre besoin de repos. Je reçois ce matin une lettre du duc de Noailles qui me remercie de mes biens sincères félicitations avec une rare bonté. Il a ses enfants près de lui avec Monsieur et Madame de la Ferté5 ; vous le savez sans doute, mais comme le bulletin paraît excellent, j'aime à vous le répéter. J'ai aussi une longue lettre de M. de Meaux, cherchant, comme Charles de Lacombe, un moyen pour faire de la République sans républicains ou de la monarchie sans princes. Une bonne recette à cet égard là leur ferait grand plaisir. Mille millions de tendresses à tout Rochecotte, et encore plus de vœux pour vous, chère, chère Madame, Alfred.
*Archives départementales du Maine-et-Loire
2Voir lettre de Falloux à Bertou du 19 août 1872.
3Ville chef-Lieu de canton du Maine-et-Loire, non loin de Segré, disposant d'une gare.
4Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoie, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.
5Clotilde Christine Adélaïde de La Ferté-Meung, née Molé de Champlatreux (1810-1872) et son époux Fernand de La Ferté-Meung, (1805-1884). Légitimiste, il était l'un des partisans de la fusion avec les orléanistes.
