CECI n'est pas EXECUTE 9 juillet 1866

Année 1866 |

9 juillet 1866

Alexandre Freslon à Pierre-Antoine Berryer

Paris, 9 juillet 18661

Mon cher confrère et ancien collègue,

Je pensais qu'Andral qui été venu mardi dernier, en son nom et j'avais compris aussi dans le votre, m'entretenir de l'élection de Baugé-Segré2, vous avez fait connaître ma situation, les déterminations que j'avais prises, aussitôt la mort de M. Bucher de Chauvigné3 et qui n'ont pas varié depuis.

Interpellé à cette époque et jusqu'à ce jour par des électeurs qui avaient soutenu ma candidature en 1863 sur le parti que j'entendais prendre, j'ai invariablement répondu : « s'il existe, au milieu de vous, une opinion libérale sincère, conciliatrice, dégagée de tout césarisme et qu'elle ait assez de force pour constituer un groupe de représentants autorisés pour parler en son nom, faites-le moi clairement connaître. Dans le cas où vous affirmeriez qu'elle considère que ma candidature lui est nécessaire pour s'affirmer, mes opinions politiques, les voix qui m'ont été données en 1863 m'engagent, j'agirai. »

Si rien de semblable ne se produit, et, après examen, je crois le contraire, j'aurai, j'imagine, épuisé l'obligation de conscience qui me lie aux électeurs qui m'ont aidé en 1863 et à la lutte qui va s'engager, alors je me tiendrai à l'écart.

Mes amis et correspondants, mes visiteurs même m'ont demandé un certain temps avant de me [sic] répondre avec précision ; j'attends, très désireux, je vous l'assure, de ne pas entrer dans l'arène ; mais, obligé jusqu'au jour où le délai pour prêter le serment constitutionnel sera accompli, à me tenir à la disposition des braves gens qui ont pensé et pensent à moi.

Maintenant si je reste en dehors de la lutte, puis-je faire autre chose que rentrer dans le silence, vous allez en juger.

Ce matin avec votre lettre, il m'en arrivait une de l'Anjou qui vous peindra où en sont déjà les esprits dans la circonscription de Baugé-Segré ; voilà ce qu'on écrit : « cette élection va faire revivre dans notre arrondissement les vieilles divisions refroidies mais non éteintes et le débat va passer au-dessus des questions du jour, au-dessus du Napoleonisme lui-même. En présence du château, de la cure, de la sacristie, à cette heure en campagne, déjà l'on ne veut plus voir que le drapeau blanc s'arborant devant le drapeau tricolore. Vainement les légitimistes plus ou moins sincères et Falloux lui-même parleront de conciliation ; vainement quelques voix libérales ordinairement écoutées signaleront la nécessité d'arrêter le pouvoir sur la pente d'absolutisme où il se maintient rien n'y fera. Les masses dans leur instinct s'obstineront de part et d'autre à n'y voir autre chose que la guerre des blancs et des bleus4.

« Cette situation à Paris n'est pas comprise : bien peu y savent qu'il y a ici deux nations distinctes et que quand l'une s'affirme, l'autre se lève pour la combattre. »

Ma candidature n'existant pas, M. Berger5 dont toute la famille appartient à ce que, dans notre pays, on nomme les bleus sera adoptée comme un sauveur, je le crois fermement. Vous voyez, mon cher et illustre ancien collègue et confrère, je vous réponds avec la franchise et la liberté que vous avez mises dans vos questions m'abstenant d'une foule de questions secondaires qui, de près ou de loin, se rattachent aux personnes dans l'affaire qui vous a déterminé à m'écrire.

Agréez, je vous prie, l'expression bien sincères de mes sentiments de respectueux attachement.

A. Freslon

1Lettre adressée à Berryer au sujet de la candidature de Falloux à l'élection partielle de 1866 dans la circonscription de Baugé-Segré.

2Suite au décès, le 22 juin 1866, de Bucher de Chauvigné, député de la circonscription de Baugé-Segré, en Maine-et-Loire, Falloux avait décidé de se porter candidat.

3Bucher de Chauvigné, Gustave (1802-1866), légitimiste, élu du Maine-et-Loire à la Constituante de 1849 aux côtés de Falloux, il s'était rallié au régime au lendemain du coup d'état. Candidat officiel dés 1852, il fut élu dans la circonscription de Segré siégeant au Corps législatif jusqu'à sa mort.

4C'est inconstestablement pour augmenter les chances de succés du candidat officiel que le pouvoir avait procédé à un nouveau découpage électoral en Maine-et-Loire. La circonscription regroupait en effet un arrondissement de tradition républicaine (Baugé) et un arrondissement légitimiste (Segré).

5Berger, François Eugène (1829-1903), homme politique. Attaché au ministère de l'Intérieur, il entra au Conseil de préfecture des Basses-Alpes, puis du Loiret et revient au Ministère de l’Intérieur comme sous-chef du cabinet du ministre puis chef du bureau du personnel en 1860. Candidat officiel, il sera élu député du Maine-et-Loire (circonscription de Segré-Baugé) en 1866 et réélu en 1869. Membre du Conseil général du Maine-et-Loire sous l'Empire; réélu en 1873. Son père occupa longtemps le poste de secrétaire général de la préfecture de Maine-et-Loire.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «9 juillet 1866», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1866,mis à jour le : 04/05/2015