Année 1866 |
17 juillet 1877
Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux
Paris, 17 juillet 1866
Mon bon ami, je tairai le nom de M. Jamet1 tout en disant que les esprits angevins ne sont pas aussi contraires à ce que nous voulons qu'on affecte de le dire, c'est d'ailleurs le mode d'ordre de Paris. Andral m'écrivait qu'il rencontrait des résistances déplorables chez ceux auxquels nous demandons de solliciter des suffrages et Thiers m'écrit de Trouville2 qu'il a fait et fera encore des efforts pour amener à une plus juste est plus raisonnable intelligence de la situation mais qu'il trouve les plus sots et les plus absurdes préjugés.
Je vous prie de me renvoyer à être que je vous ai communiqué, malgré la finesse mal déguisée d'une d'une apparence d'incertitude et d'hésitation qui n'a plus d'autre objet que de s'épargner le tort d'un refus ou de se réserver de n'apporter que trop tard un concours inutile, cette lettre a entre son rédacteur et moi le caractère d'une communication confraternelle et je désire que cette lettre ne soit aux mains de personnes, ce qui me serait reproché comme un abus de confidence.
Je rentre du palais où je n'ai pas pu joindre le confrère, mais demain et après demain je serai encore à Paris et je le trouverais, sans espoir d'en rien n'obtenir.
Je ne vous dis rien des affaires publiques. Le rideau est tombé sur la comédie qui se jouait d'ailleurs assez mal ; tout est livré aux italianissimes, Bismarck3 et son complice vont à visage découvert. Nous ne tenons plus compte de la cession qui nous a été faite de la Vénétie4. Les Garibaldi5 et Cialdini6 ont bien eu raison de se rire de notre prétendue médiation, comme du traité de Zurich7. Comme de la convention du 15 septembre8. La Vénétie conquise on n'a plus à exiger de nous que l'abandon du Saint-Père. Nous le ferons sans la crainte de nouvelles menaces personnelles. Le prince Napoléon gouverne et fait fort retentir aux oreilles qui l'écoutent le danger de ces menaces.
J'attends votre réponse à ma dernière lettre pour écrire aux Farran9, gendre ou beau-père10.
Mille amitiés
1Sans doute Émile Jamet (1799-?), homme politique, propriétaire, fervent partisan de la modernisation agricole. Républicain sous Louis-Philippe, il fut nommé sous-commissaire du gouvernement provisoire de Château-Gontier. Élu à l'Assemblée constituante (circonscription de Chateau-Gontier, Mayenne), il figurait parmi les républicains modérés.
2Trouville-sur-mer (Calvados), où Thiers possédait une villégiature.
3Bismarck, Otto Eduard Leopold von (1815-1898), homme d'état allemand. Il devint le premier chancelier (1871-1890) de l'Empire allemand.
4Jusque là rattachée à l'Autriche, la Vénétie venait d'être cédée à l'Italie.
5Garibaldi, Giuseppe (1807-1882), homme politique italien. Républicain révolutionnaire. Membre de la Jeune Italie de Mazzini, il fut contraint à l’exil en 1834 en Amérique du Sud. Revenu en Italie, il participa à la guerre contre l’Autriche en 1859. En mai 1860, il entreprit sa fameuse conquête de Naples et de la Sicile à la tête d’un millier de « Chemises rouges ». Il fut rapidement défait par les Napolitains. Il mena par la suite deux tentatives infructueuses pour conquérir Rome (1862 et 1867) et combattit pour l’Italie contre l’Autriche en 1866.
6Cialdini, Enrico (1811-1892), général de l'armée piémontaise. Comme Garibaldi, il combattit pour l'Italie les armées autrichiennes.
7Le 10 novembre 1859, le traité de Zurich mettait fin au conflit entre la France, l'Autriche et l'Italie.
8Signée entre la France et l'Italie le 15 septembre 1864, cette convention prévoyait le départ des troupes françaises dans un délai de deux ans. Ce retrait se fera le 13 décembre 1866.
9Antoine-Jean Farran (1791-1872), négociant et homme politique. Maire d'Angers en 1837, il fut élu du centre gauche au collège d'Angers de 1837 à la révolution de 1848.
10?
