1874 |
3 avril 1874
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
Bourg d'Iré, 3 avril 1874
Chère Madame,
Votre lettre à elle toute seule suffirait à enlever toute envie de rire, car elle me montre que vous êtes de plus en plus mécontente de votre santé, au moment même où nous nous flattions tous d'un instant de répit. Je ne sais plus quelle phrase je vous ai faite sur vos exploits ; elle ne devait être que l'écho de Montessuy1, charmé d'une soirée passée avec vous, mais tout le monde m'avait laissé ignorer votre visite au comte de Paris2, au Conservatoire et à la Conciergerie. Je vous félicite néanmoins, tout en vous exhortant à laisser dire tous ceux qui sont assez bien portants pour ne pas se rendre compte d'une expérience que j'ai faite tant de fois depuis tant d'années c'est-à-dire qu'un effort tenté le mardi est précisément cause qu'on ne peut le recommencer le mercredi ni, le plus souvent de toute la semaine. Rendons-nous donc paisiblement justice entre malades et laissons les bien portants jouir de leur privilège sans le leur reprocher, car il est évident qu'ils ne pêchent que par ignorance, ce que le bon Dieu lui-même amnistie.
Bertou nous est arrivé fort brillant et fort causant, hier, pour dîner ; il remercie beaucoup Madeleine3 d'une lettre d'elle qu'il attendait ici ; il me passe sa plume envers vous deux pour aujourd'hui, mais pour aujourd'hui seulement. M. Lavedan s'annonce pour demain soir et le jour de Pâques. J'ai bien peur que la pauvre Marie n'en profite guère, car la soirée qu'elle a voulu passer avec Bertou est payée bien cher dans ce moment-ci. Ne le dites pas aux Rességuier, car leur présence est souhaitée à tout prix4, et les moindres morceaux en seront bons.
Au revoir, au revoir, chère Madame car c'est toujours à vous que je veux dédier mon premier acte de liberté.
A. de Falloux
1Peut-être Montessuy, Jean-François (1801-1876), peintre.
2Louis Philippe Albert d'Orléans (1838-1894), comte de Paris.
3Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; sa belle-fille, mariée le 3 avril 1866 avec Antoine de Castellane
4De passage à Rochecotte, Albert de Rességuier et son épouse étaient attendus au Bourg d'Iré.
