CECI n'est pas EXECUTE 27 septembre 1874

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27 septembre 1874

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Bourg d'Iré, 27 septembre 1874

Chère Madame,

Les deux dernières lettres de Bertou ne nous disent plus rien des incendies Radziwill1, et nous nous en plaignons beaucoup, en lui demandant par votre entremise de nous expliquer : 1°quelle est la portée du ravage à Berlin, et s'il a porté sur l'habitation même, sur des objets d'art, ou sur les dépendances dont une compagnie peut facilement indemniser ? 2° si les incendies de la Lithuanie sont purement accidentels où le résultat d'une malveillance organisée qui demeurerait suspendue sur l'avenir ?

Je demande à ce même Bertou de me dire, avec sa bonté ordinaire, ce qu'il m'indique justement à propos de l'archevêché de Reims. La Gazette de France m'impatiente tellement, avec sa défection déguisée et sa malveillance louche, que je ne me la fais plus du tout lire, et je jette les numéros si loin, apparemment, que je n'ai pas pu retrouver celui qui m'était signalé. Quant à l'article de L'Union, que j'ai reçu ce matin, je vais l'envoyer très exactement à Antoine [de Castellane]. Son article est fort spirituel. Ne pas reproduire le discours, me citer avec éloges pour Arthur Young et me supprimer pour la politique, c'est de bon goût et bien joué. Dites à Amédée [d'Andigné]2 que je me félicite de plus en plus de m'être expliqué ouvertement avec M. Laurentie, il y a deux ans. Voilà, depuis cette date, la première fois qu'ils reprononce mon nom, et il s'arrange pour que je ne puisse pas m'en plaindre. Nous avons repris pour lecture du soir le troisième volume sur Marie-Antoinette3 qui n'avait pas été achevée à Caradeuc. Je ne pas du scandale que j'aurais laissé derrière moi, à Rochecotte, au sujet de ce douloureux livre, et malheureusement, plus nous avançons dans cette lecture, plus mon impression se fortifie. L'un de ces matins, j'ai relu l'oraison funèbre de la duchesse de Bourgogne4, dans le P. de la Rue5. C'était aussi une princesse très jeune, très légère, aux prises, sans expérience, avec tous les pièges de la cour. C'est sous les mêmes traits que, jusqu'à M. d'Arneth, je m'étais plu à me figurer Marie-Antoinette. Si vous avez le P. de la Rue dans la bibliothèque de Rochecotte, lisez la seconde moitié de cette oraison funèbre, celle où le portrait de la duchesse de Bourgogne est vraiment tracé, et vous vous rendrez peut-être compte de la déception de mon propre cœur, à l'évanouissement d'un idéal qui m'a bien accompagné jusqu'à ma 63éme année.

Dieu veuille maintenant que votre bulletin de santé soit meilleur que le nôtre. La pauvre Marie est presque constamment au supplice, et ceux qui l'entourent ne valent pas beaucoup mieux. Tout le monde cependant répète aux Rochecottins: au revoir, au revoir !

1Marie Dorothée Elisabeth Radziwill (1840-1915), fille de Madame de Castellane, qui avait épousé, en 1857, Frédéric-Guillaume-Antoine, prince Radziwill, duc de Nieswill.

2Andigné, Amédée Marie Alexandre (1822-1889).

3Correspondance secrète entre Marie-Thérèse et le cte de Mercy-Argenteau, avec les lettres de Marie-Thérèse et de Marie-Antoinette, publiée avec une introduction et des notes par M. le chevalier Alfred d'Arneth et M. A. Geffroy, Paris, Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1874, 3 vol. (LXXII-483, 563, 570 p.).

4Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), princesse de Savoie, duchesse de Bourgogne puis Dauphine de France. Elle eut trois enfants dont Louis de France, duc d'Anjou, futur Louis XV.

5Charles de La Rue (1643-1825), jésuite, écrivain, confesseur de la Duchesse de Bourgogne. Il est l'auteur de Panégyriques des saints et Oraisons funèbres, Paris, 1740, 3 vol.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «27 septembre 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1874,mis à jour le : 21/06/2015