CECI n'est pas EXECUTE 26 janvier 1865

Année 1865 |

26 janvier 1865

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

26 janvier 1865*

Chère Madame,

Je vous ai écrit avant-hier avec la plume de Marie1, et j'espérais que vous alliez avoir au moins une petite trêve de tristesse. Dés hier cependant, les journaux m'apportaient l'élection de Stanislas de La Rochefoucauld2 substitué à M. le duc de Valençay3. Cette nouvelle ne m'a été lue que le soir et j'ai consacré à Antoine [de Catellane] toute mon insomnie de cette nuit. Il sait que j'ai été de très facile composition sur la question des Cercles et que j'étais entré dans plusieurs de ses arguments, tout en regrettant qu'il attachât tant de prix à son introduction dès cette année. J'espère donc que cela le disposera à se rendre à son tour plus accessible à ma prière, et je lui demande avec la dernière instance de renoncer à cette pensée, au moins pour cette année.

Il est évident que Monsieur le duc de Valençay ne restera pas au cercle de l'Union et que ce nouvel incident va aggraver toutes les animosités suscitées par une situation que vous aviez tout d'abord si bien jugée, chère Madame. Il est évident que tout va devenir arme de guerre, aussi bien au Jockey qu'à l'Union. Antoine ne pourrait donc échapper à cette double alternative : ou être rejeté, parce qu'il est le neveu de son oncle4, ou être accueilli, parce qu'il est l'adversaire présumé de son cousin. Le premier cas serait très fâcheux pour lui ; le second très pénible à Messieurs vos frères et, dans les deux hypothèses, son nom sera discuté, commenté dans des termes où la bienveillance aura des inconvénients autant que le mauvais vouloir. Il est donc hors de doute que ce n'est pas un moment qu'Antoine doit choisir pour se faire mettre sur un tapis quelconque est passé au crible. Je persiste à penser qu'il eut été fort regrettable que le sens moral et la dignité personnelle d'Antoine n'eussent pas été forte affligés par la conduite de son cousin Adalbert [de Montmorençy]5, mais je pense avec non moins de conviction qu'Antoine ne doit pas aller au-delà d'une affliction non dissimulée, mais très réservé dans ses manifestations. Il ne doit pas se laisser prendre pour drapeau contre sa famille, surtout sur un terrain si frivole, à supposer même qu'il ne fut pas enveloppé dans certaines rancunes, ce qui ne me semble pas démontré et ce qui pourrait bien n'arriver qu'au dernier moment, lorsqu'il ne serait plus tant de reculer. Je n'insiste pas, parce que probablement Antoine sent lui-même la chose ainsi, mais s'il n'y avait pas suffisamment réfléchi, je le prierais de m'entendre de nouveau ; car je considérerais un acte de légèreté de sa part en ce moment comme très sérieusement préjudiciable.

J'écris hier au duc de Fitz-James6; mais je vous demande encore, chère Madame, de lui parler de nous. Je n'ai plus qu'un instant pour finir cette lettre très à la hâte.

Alfred

 

*Archives nationales

1Marie de Falloux, son épouse.

2Auguste-Marie-Mathieu-Stanislas de La Rochefoucauld-Doudeauville (1822-1887), conseiller général de la Sarthe.

3Talleyrand-Périgord, Napoléon-Louis, duc de Valençay (1811-1898) est le frère de Pauline de Castellane.

4Le duc de Valençay est son oncle maternel.

5Talleyrand-Périgord, Adalbert Nicolas Raoul, duc de Montmorençy (1837-1915).

6Fitz-James, Édouard, Antoine, Sidoine de (1828-1906), propriétaire du château de la Lorie, près de Segré, en Maine-et-Loire, et donc voisin de Falloux auquel il était lié d'amitié.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 janvier 1865», correspondance-falloux [En ligne], Année 1865, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire,mis à jour le : 05/12/2017