CECI n'est pas EXECUTE 28 janvier 1875

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28 janvier 1875

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Le Bourg d'Iré, 28 janvier 1875

Chère Madame,

Puisque vous avez la bonté de désirer même à vos dépens, que les bulletins du Bourg d'Iré peau soit directement adressé, je vous dédie celui-ci sans pouvoir le rendre meilleur sous peine de manquer à la vérité. Le bruit des ouvriers qui, grâce à Dieu, touche à son terme, s'était transportée, ces jours-ci au-dessus de la chambre hortensia qui communique par les cheminées, avec notre quartier, et la pauvre Marie en a eu un grand redoublement de souffrances. Voilà en outre, Monsieur Letort1 atteint d'une infirmité grave, qui ne menace pas une directement sa vie mais qui, en lui interdisant le cheval et la voiture, compromet beaucoup les notres. Je me suis empressé d'aller le voir, dans son lit, et je l'ai trouvé assez attristé, comme tout homme qui est malade pour la première fois. Cependant, il espère reprendre le dessus et bien des vœux vont se joindre aux notres pour que cet espoir ne soit pas trompé. Quant à moi, je me retrouve jusqu'ici sans aucune trace de la fluxion de poitrine ni de la saignée, mais ma tête redevient fort quinteuse et reprend peu à peu toutes ces vieilles allures. J'ai profité de mon excursion à Candé2 pour prendre les nouvelles de Bourmont3 et pousser jusqu'à Saint-Mars4 où Made de la Ferronnays5 m'avait invité pour trois comédies, un souper et un bal. Les Bourmont sont chez leur fille en Bretagne, mais leur second fils a quitté le séminaire d'Angers et il renonce à convertir les Arabes que son grand-père6 avait soumis.

Madame de la Ferronnays arrive de Frohsdorf7 ; elle y a laissé Madame la comtesse de Chambord en quête d'un séjour chaud pour cet hiver, quoique non gravement atteinte de la poitrine, et Monsieur le comte de Chambord se félicitant de sa santé plus admirable que jamais, et répétant souvent : «  je me sens encore la force de faire beaucoup de bien en France » Cela vous fera plaisir. Toutefois, Made de la Ferronnays se montre assez humaine et s'exerce à la tolérance, par la lecture de ses trois journaux qui sont :La Gazette, Les Débats et La République Française8. De retour de cette découverte, je l'ai payée aussi cher que si j'y avais passé la nuit tout entière, comme se le sont accordé Monsieur et Madame Paul de Candé9 dont je n'ai pas encore le feuilleton. Maintenant, chère Madame, veuillez distribuer tous mes respectueux hommages autour de vous. Veuillez dire aux princesses Hélène10 et Betka11, ainsi qu'à madame leur mère12, combien il m'en coûte d'avoir l'apparence si maussade, quand j'ai l'intérieur si tendre ; à l'abbé Couvreux avec quelle impatience j'attends sa grandeur d'âme dans la guérison, à Bertou qu'il me rend coupable envers M. de Lancosme13 en rattachant à sa mort un plus prompt retour au Bourg d'Iré ; enfin, veuillez, dans votre correspondance à Juigné14, me donner une place immédiatement après la vôtre, chère Madame, dans les saluts adressés d'avance à mademoiselle Sabine.

A. de F.

1Médecin de la famille Falloux.

2Commune du Maine-et-Loire.

3Bourmont, Louis IV de Ghaisne de Bourmont (1801-1882).

4Saint-Mars La Jaille, commune de Loire-Atlantique, où se situe la propriété des La Ferronnays.

5Guillelmine Marie Lucie de La Ferronnays, née Gibert (1823-1894), veuve d'Adolphe Ferdinand Ferron de la Ferronnays (1814-1866), un proche du comte de Chambord.

6Louis III Auguste Victor de Ghaisne de Bourmont (1773-1846) avait été nommé général en chef du corps expéditionnaire envoyé en Algérie en 1830. Très vite ses victoires lui vaudont d'obtenir le baton de maréchal.

7Résidence autrichienne du comte de Chambord.

8Ces trois journaux représentent les trois grands mouvements politiques du moment, La Gazette de France, le légitimisme, Le Journal des Débats, l'orléanisme, La République française, le républicanisme.

9Paul Brillet de Candé (1837-1913) et son épouse Claire, née de Mieulle (1844-1886).

10Helène Radziwill (1871-?), petite-fille de Pauline de Castellane.

11Elisabeth Radziwill (1861-1950), petite-fille de Pauline de Castellane.

12Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane ; elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoie, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.

13Sans doute Louis Charles Savary de Lancosme (1775-1875), conseiller général de l'Indre et pair de France.

14Charles Léon Ernest Le Clercl, marquis de Juigné (1825-1886), homme politique. Propriétaire du château de Juigné-sur-Sarthe (Sarthe), il était membre de l'Assemblée nationale du 8 février 1871 où il siégeait avec les légitimistes; il était inscrit à la réunion Colbert et à celle des Réservoirs. Le comte et le marquis sont cousins. Plus modéré que son cousin, le marquis est un proche de Falloux. Sa fille Madeleine (1847-1934), était, depuis 1866, l'épouse d'Antoine de Castellane.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «28 janvier 1875», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1875,mis à jour le : 11/09/2015