CECI n'est pas EXECUTE 31 janvier 1876

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31 janvier 1876

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Le Bourg d'Iré, 31 janvier 1876*

Chère, chère Madame, si je pouvais vous écrire tout ce qui se pense et tout ce qui se dit au Bourg d'Iré, vvous recevriez des volumes. Mais, hélas ! Il faut ajourner tout cela jusqu'au revoir et le revoir ne dépend pas toujours de la volonté. La pauvre Marie1 est toujours dans un état pitoyable : elle ne peut presque plus marcher, pour le peu qu'elle marche, sans être vigoureusement soutenu et, dans beaucoup de cas, dans les escaliers notamment, Madame de Caradeuc et Loyde sont insuffisantes. M. Letort2 nous fait espérer une certaine amélioration avec le retour d'un temps plus doux : je la guette ou pour aller passer quelques jours à Rochecotte ou pour vous le demander parmi nous, si vous en avez la force et le courage.

En attendant, nous nous réfugions dans les prières, et vous savez que celles qui m'entourent valent mieux que les miennes : Bertou a dû vous dire que nous en avions demandé à Combrée3. Je vais tout à l'heure à Segré pour des questions de chemin de fer et je n'oublierai pas plus la sœur Saint-Joseph que vous ne serez oubliée par elle.

Le dossier de l'hospice Swetchine4 a été enfin lâché par l'évêque sur l'instance réitérée du ministère de l'intérieur et du ministère des cultes, mais il doit traverser maintenant, à Paris, les bureaux de l'Assistance Publique et de la voirie, puis les bureaux de M. Wallon, puis les sections correspondantes, au conseil d'État. On me promet que le tout ne durera pas deux ans, mais personne ne veut me promettre que cela ne durera pas de moi. L'évêque5, fort occupé pour nos élections de présider à l'alliance de l'extrême droite et des bonapartistes qui vient d'échouer cependant sur la momie de M. Louvet6, ne parle plus d'interdire la chapelle Saint-Joseph. Je dois vous en faire part, car cela est peut-être dû à votre protection et à celle de la princesse Wittgenstein.

Bertou a dû vous demander le silence sur le mariage de Denys Cochin7 remis en question. Dès que j'en saurai plus long, je vous en ferai part ; mais si vous avez bientôt la duchesse de Galliera8, vous serez problement mieux informée que moi.

Veuillez dire au cher abbé Couvreux combien il est tendrement uni à toutes nos sollicitudes, à toutes nos reconnaissance et à toutes nos actions de grâces ; car nous ne pouvons assez remercier Dieu d'avoir préparé et placé près de vous une affection si éclairée, si fidèle et si puissamment secourable.

 

 

 

*Archives du Maine-et-Loire

 

 

1Son épouse.

2Médecin de la famille Falloux.

3Petite bourgade angevine, proche du Bourg d'Iré et où fut créé un collège catholique peu après le vote de la loi de 1850.

4Hospice fondé en 1864 à Segré à l'initiative de Falloux.

6Charles Louvet (1806-1882), banquier et homme politique. Élu du Maine-et-Loire à l'Assemblée Constituante (1848-1849) et à la Législative (1849-1851), il siégea avec la droite. Rallié à l'Empire, il sera élu du Maine-et-Loire de 1852 à 1869. En 1869, il prendra ses distances avec le régime en rejoignant le nouveau tiers parti libéral.

7Cochin, Denys (ou Denis) Marie Pierre Augustin (1851-1922), écrivain et homme politique. Fils d'Augustin Cochin, il fut attaché d'ambassade à Londres auprès du duc de Broglie. Député de Paris de 1893 à 1919, il fut l'un des principaux leaders du parti catholique à la Chambre. Œuvrant en faveur du ralliement des catholiques à l'Union sacrée, il sera nommé ministre d’État dans le cabinet Briand (octobre 1915-décembre 1916) puis sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Invoquant la rupture de l'Union sacrée il démissionna. Auteur de plusieurs ouvrages, il fut élu à l'Académie française en 1911.

8Marie, duchesse de Galliera, née Brignole-Sale (1812-1888).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «31 janvier 1876», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1876,mis à jour le : 11/09/2015