1877 |
28 juin 1877
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
28 juin 1877*
Chère Madame, cette lettre vous trouvera déjà bien près d'Évian et nous nous en réjouissons à tous les titres, d'abord parce que cela nous prouve que Paris ne vous a pas trop fatigué, ensuite parce que nous espérons que, cette année, votre saison des eaux pour s'achever sans trouble et porter ses véritables fruits. Soignez-vous, défendez-vous contre le mal, nous vous en supplions, avec la pensée de tout le bien que vous faites à d'autres que vous-même, quand vous protégez votre santé. Je ne doute pas que vous ne vous accordiez aussi la satisfaction d'un revoir avec la princesse Wittgenstein1. Dans ce cas, je sollicite la place d'un souvenir entre vous deux.
Ici le bulletin s'améliore un peu. Madame de Caradeuc a plus de facilité de mouvement et plus de vie morale. Loyde s'occupe avec beaucoup de cœur à beaucoup de soin, et elle m'en semble récompensée par un peu plus de forces. Albert de Rességuier nous reste jusqu'à lundi. Il va rejoindre Geneviève2 à Luchon, en passant quelques jours seulement à Paris, pour prendre une exacte connaissance du terrain politique3. Il ne serait pas impossible qu'il posât de nouveau sa candidature à Lombez actuellement en possession d'un bonapartiste peu important. Il a reçu ici plusieurs lettres du Gers qui le pressaient très vivement. Pour Segré, je ne vois pas encore comment il échapperait à M. Janvier4. Il faudrait pour le renverser un accord qui n'existera pas plus que par le passé. On parle cependant d'une lutte à coups de prodigalité entre lui et Christian de Tredern5. Ce sera, du moins, un bon moment pour les électeurs. Quant à notre pauvre pays, quel avenir l'attend ? Je n'ose ni me le demander, ni rechercher avec vous sur qui en pèse la responsabilité, mais si j'avais l'honneur d'être l'ami du comte de Blacas6, je maigrirais, je dépérirais à vue d'œil, jusqu'à ce que M. le comte de Chambord eut réparé par une franche abdication la série des calamités qu'il a déchaînées sur la France.
Les nouvelles de Rome sont toujours bonnes et permettent toujours d'espérer la visite du mois de septembre7.
En attendant, nous nous recommandons tous bien vivement à la charité de Madelle Lecreux.
*Arch.nat. Fonds Castellane
1Sayn-Wittgenstein, Léonille, née Bariatinsky (1816-1918), princesse d'origine russe, orthodoxe, elle avait été converti au catholicisme romain par Mgr. Dupanloup.
2Geneviève de Rességuier (1840-1889), la fille aînée d'Albert de Rességuier, épouse de Dieudonné Henri Marie de Pérignon (1840-1889).
3On est alors à la veille des élections législatives. A. Rességuier songe à se présenter dans la circonscription de Lombez dans le Gers. Député sortant de l'Appel au peuple, J. Fauré se représentera en définitive dans la circonscription de Lombez écartant de fait la candidature d'A. de Rességuier.
4 Janvier de La Motte Louis Eugène (1849-1894), homme politique. Maire de Juvardeil (Maine-et-Loire), il fut élu dans la circonscription de Segré (Maine-et-Loire) en 1876 et siégea avec le groupe de l'Appel au peuple. comme candidat bonapartiste. Réélu en 1877, il se rapprocha des républicains opportunistes après la mort du prince impérial. En juillet 1879, il rompit définitivement avec les impérialistes et s'inscrivit au groupe de l'Union républicaine. Battu par M. de Terves en 1881, il ne se représenta plus, se consacrant à son métier de percepteur à Paris.
5Vicomte Christian de Trédern (1842-1914).
6Blacas d'Aulps, Stanislas Pierre Joseph Yves Marie de, comte de Blacas (1818-1887), homme politique. Il est le représentant du comte de Chambord en France.
7Son frère Frédéric de Falloux, le cardinal, avait annoncé sa venue.
