CECI n'est pas EXECUTE 15 novembre 1877

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15 novembre 1877

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

15 novembre 1877

Chère Madame, le bulletin de Madelle Lecreux1, dont je la remercie cependant bien vivement, n'est pas assez bon pour que je ne lui en demande pas bien promptement un nouveau. Qu'est-ce que c'est que cette violente crise ? Est-ce à votre foie qui échappe encore aux remèdes ou quelque nouvel ennemi qui vient prêter main-forte aux anciens ? Je vous aurais posé ces questions qui nous préoccupent beaucoup, si je n'avais été pris un instant par une diversion bien inattendue : le général Le Flô2, qui est breton, a eu la bonté de passer par le Bourg d'Iré en regagnant Saint-Pétersbourg3. Je l'ai fait interroger pour mon propre compte, mais en pensant beaucoup aussi aux Radziwill4. Il m'a répondu, avec des détails forts intéressants, qu'on ne doit point douter du succès final de la Russie y avoir aucune inquiétude sur la Pologne. Puisque nous ne pouvons obtenir dans l'ensemble des événements ce que nous préférerions, il est heureux, du moins, que les effusions de sang se restreignent, et que le résultat définitif ne profite pas à la pure barbarie. Le général croit enfin connaître les prétentions de la Russie pour la paix et ne paraît pas supposer qu'il en résulte une nouvelle guerre pour le printemps. Dieu veuille qu'il ne se trompe pas et que tous les intéressés se montrent aussi raisonnables après la victoire que pendant le combat !

Les nouvelles de mon frère5 sur la santé du pape6 sont alarmantes ; seulement veuillez lui en garder le secret, car vous n'ignorez pas qu'il est convenu que le pape ne doit pas mourir avant la restauration du pouvoir temporel, et la semaine religieuse d'Angers nous disait, ces jours-ci, que c'est une impiété de supposer le contraire.

Et Versailles ? Je vous entends d'ici, cher Madame, cher Monsieur l'abbé Couvreux, vous en prendre à l'Élysée, tandis que je reporte de plus en plus la responsabilité infiniment plus loin et que je ne puis assez m'étonner qu'on contemple avec un tel sang-froid la ruine d'un pays qu'on pourrait sauver d'un mot et d'un geste.

Mille tendresses aux trois chers petits que nous remercions de leurs brillantes santés bien plus souvent que nous ne leur disons.

A.de F.

 

1Secrétaire de Pauline de Castellane.

2Adolphe Charles Emmanuel Le Flô (1804-1887), militaire et homme politique. Député de 1871 à 1877 du Finistère dont il est originaire, il avait été nommé ministre de la Guerre (septembre 1870-juin 1871) sous la présidence de Thiers, au cours de laquelle il s'était prononcé contre la répression de la Commune.

3Le général Le Flô avait été nommé ambassadeur à Saint-Petersbourg en 1871.

4Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoie, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «15 novembre 1877», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1877,mis à jour le : 09/01/2016