CECI n'est pas EXECUTE 7 décembre 1877

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7 décembre 1877

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

7 décembre 1877

Chère Madame, je ne vous dis rien de notre reconnaissance ni de notre regret : vous êtes bien sûrs de tous les deux, et je croirais admettre un doute de votre part si je vous remerciais. C'est auprès de Dieu que j'espère m'acquitter avec vous : il m'a accordé du soleil pour votre route ; puisse-t-il maintenant accorder le beau temps moral à Rochecotte en commençant par les trois chers petits1 et en montant toujours. Donnez-nous ou plutôt faites-nous donner tous les bulletins, en commençant par les suites de la médecine dont vous étiez si inquiète, et en oubliant pas l'abbé Couvreux qui est certainement bien mal à son aise aussi, quand son filleul à la colique ! Aurez-vous la bonté de songer au traitement pour la surdité qui a réussi au Lude2 ? Je l'ai déjà annoncé à M. Lavedan, en ne lui nommant personne autre que vous. Ici, nous nous maintenons dans le statu quo. M. Letort3 est venu déjeuner hier avec le secret espoir de vous trouver encore ; il a été content de Madame de Caradeuc4 et nous permet d'espérer désormais quelques mois sans nouvelles sangsues. Joseph Lemanceau5 montait le parc à toutes jambes au moment où votre voiture disparaissait ; il en garde un vrai chagrin qu'il m'a très spontanément prié de vous exprimer.

Les nouvelles du pape6 semblent de plus en plus graves dans le Français d'hier. Celles qui intéressent Versailles n'ont certainement pas meilleure couleur ; mais je n'ai aucune nouvelle directe ni d'un côté ni de l'autre. Je ne m'en afflige pas beaucoup ; car les détails n'importent plus guère quand l'ensemble ne comporte plus que des questions de vie ou de mort. Pauvre France ! Qu'elle aura été coupable et qu'elle aura été malheureuse ! Ce gémissement m'échappe sans relâche ; seulement je ne fais pas de la culpabilité à monopole pour une seule catégorie, et je crois que nous y avons tout une bien grande part. Croyez bien aussi que ce n'est point là pour moi une consolation.

A. de F.

Mille remerciements à Monsieur l'abbé Couvreux dont la lettre arrive à l'instant même.

1Les trois petit-enfants de Pauline de Castellane.

2Peut-être le marquis du Talhouët, Auguste Élisabeth Joseph Bonamour, (1819-1884), homme politique. Auditeur au Conseil d’État et conseiller général (Sarthe), il fut élu à la Législative en 1849 (Sarthe) où il siégea avec le parti de l’Ordre. Catholique et monarchiste, il s’opposa aux partisans de l’Élysée et protesta contre le coup d’État. Investi néanmoins comme candidat officiel, il fut réélu sans interruption par la 3ème circonscription de la Sarthe jusqu’à la fin de l’Empire en dépit d'une attitude frondeuse. Il protesta lors des  poursuites contre Montalembert. En février 1858, il vota contre la loi de sûreté générale après avoir critiqué les ambiguïtés de l'article 2. Il signa l'amendement des "91" puis celui des "84". Membre du parti des réformes, il fut l'un des quarante-trois députés qui réclamèrent la fin des abus de la candidature officielle en janvier 1864. Devenu l'un des chefs du tiers parti, il fit partie des "42". Ministre des Travaux publics dans le cabinet d’E. Ollivier, il décida de quitter son poste par solidarité avec Daru et Buffet qui avaient donné leur démission en raison de l’organisation du plébiscite pour ratifier le Sénatus consulte constitutionnel. Réélu en février 1871, il siégea avec les orléanistes. Ayant soutenu la politique de l’Ordre moral, il vota contre la république. Il acheva sa carrière comme sénateur de 1876 à 1882. Il se retira pour finir ses jours dans son château du Lude (Sarthe).

3Médecin de famille des Falloux.

4Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), belle-mère d'Alfred de Falloux.

5Sans doute le fils de Jean-Baptiste Lemanceau, régisseur du domaine des Falloux.

6Gravement malade, Pie IX mourut deux mois plus tard, le 8 février 1878.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 décembre 1877», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1877,mis à jour le : 09/01/2016