1875 |
20 mai 1875
Charles Chesnelong à Alfred de Falloux
Versailles, 20 mai 1875
Monsieur le comte, j'eus l'honneur de me présenter à votre hôtel, sans vous y rencontrer, après avoir fait auprès de M. Ravelet1 la démarche dont vous aviez bien voulu nous charger2. Je laissai un mot à votre adresse pour vous rendre compte de mon entretien avec le rédacteur en chef du Monde et je priai par surcroît M. de Meaux de vous en dire le résultat. Je reçus à Orthez3 la lettre si bienveillante par laquelle vous m'annonciez votre intention de porter vous-même à M. Ravelet un exemplaire de votre bel ouvrage.
Depuis ce moment, je n'ai pas revu M. Ravelet; et bien que j'ai constaté et regretté le retard de l'article du Monde, je n'en ai pas été trop surpris, sachant d'un côté que M. Ravelet avait voulu se la réserver, de l'autre qu'un voyage à Rome l'a tenu pendant près d'un mois éloigné de Paris et que depuis son retour il a été détourné de ses travaux par une indisposition assez grave.
Je n'ai pas eu la pensée que M. Ravelet eût changé d'avis sur la convenance, le devoir et l'opportunité d'un article doublement commandé par le mérite et le sujet de l'ouvrage. Il m'avait dit, et je l'avais compris, qu'il aurait de loyales réserves à faire sur certaines tendances de M. Cochin et sur certaines appréciations de son éloquent historien, qu'il dégagerait la solidarité du journal et la sienne propre sur quelques points délicats soit en s'abstenant d'y toucher, soit en marquant un dissentiment ; mais il m'avait parle très disposer à rendre au livre l'hommage dont il est digne et à la mémoire de M. Cochin la justice qui ne peut être refusée, ni par un chrétien, ni par un homme de cœur, à cette âme qui fut si droite, si généreuse, si élevée, si admirablement sincère, si héroïquement dévouée à l'Église et à la France. Non seulement M. Ravelet ni répugner pas ; il y été porté comme un devoir de justice et de sympathie et j'ajoute que M. Ravelet qui a le sens de toutes les délicatesses et un vrai cœur de chrétien m'avait paru accepté cette tâche avec un noble plaisir.
Je crois donc que l'article a été retardé par les motifs de voyages et de santé dont je viens de parler et point par d'autres. Au surplus, je verrai M. Ravelet demain et je vous manderai le résultat de l'entretien. Je n'ai, du reste, aucun <mot illisible> le journal ; j'ai aidé à sa réorganisation par une transaction de 500 Fr. ; je ne fais parti ni du comité de rédaction ni du conseil d'administration, j'ai simplement des relations très sympathiques avec ses rédacteurs et une estime très sincère et très cordiale pour M. Ravelet. Je ne puis que donner un conseil ; je le crois superflu ; au besoin, je me permettrais de le donner très pressant et très convaincu.
M. de Rességuier a bien voulu me transmettre hier l'exemplaire que vous avez eu la bonté de m'adresser. J'avais lu dans le Correspondant ces pages si belles et si émues, j'aurais grand bonheur à les relire et il me sera bien précieux de garder ce livre pour y <mot illisible> souvent des grands exemples et des souvenirs dignes de mémoire et aussi comme un gage de bienveillance que vous voulez bien me témoigner et dont je suis très touché et très honoré.
Veuillez agréer, Monsieur le Comte, l'hommage de mes sentiments de respect et de haute considération.
Chesnelong
1Ravelet, Armand (1835-1875), avocat et journaliste, Directeur du Monde jusqu'en 1872, il demeurait le rédacteur en chef du journal des frères Veuillot. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Code manuel des lois civiles ecclesiastiques, Paris, V. Palmé, 1872 et Oeuvres de saint Bernard I, Vie de saint Bernard / trad. par Armand Ravelet, ... / par le T. R. P. de Ratisbonne / Paris, V. Palme , 1865
2Falloux lui avait demandé d'intervenir auprès de la rédaction du Monde pour que le journal rende compte du livre qu'il venait de consacrer à son ami Augustin Cochin, Augustin Cochin, Augustin Cochin, Paris, Didier, 412 p.
3Commune des Pyrénées Atlantiques, où réside Charles Chesnelong.
